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ABSTENTIONNISME

L'évolution contemporaine de l'abstentionnisme

Un phénomène en progression

De façon générale, l'abstentionnisme est en progression avec quelques rares et fragiles regains temporaires. La tendance est perceptible aux États-Unis dès les années 1960. Elle apparaît dans la plupart des pays européens dans la seconde moitié des années 1980, avec quelques rares exceptions. En France, des records d'abstention ont été battus pour les divers types d'élections au cours des dernières années.

La baisse de la participation électorale est d'autant plus remarquable qu'elle se développe en dépit de diverses transformations sociales produisant des effets inverses : allongement de la scolarité, diminution des emplois peu qualifiés dans l'agriculture et l'industrie, accroissement des effectifs de salariés mieux formés dans les services, augmentation du nombre des emplois diversement liés à l'État, vieillissement de la population ou socialisation des électrices.

L'évolution des taux de participation peut donner l'impression qu'il existe une population d'abstentionnistes réguliers dont les effectifs seraient en augmentation. Les abstentionnistes chroniques sont en fait peu nombreux (François Héran, François Clanché). La plupart de ceux qui sont comptabilisés comme « abstentionnistes » à une élection donnée sont des votants plus ou moins intermittents.

L'abstention intermittente progresse dans toutes les catégories de la population, mais ce sont les catégories traditionnellement les plus abstentionnistes, en particulier certaines fractions des milieux populaires et les nouvelles générations de citoyens qui sont les plus touchées. Les inégalités de participation tendent ainsi à se renforcer à mesure que la participation décroît.

Du fait du recul de la participation, les catégories des abstentionnistes et des non-inscrits sont aussi devenues plus hétérogènes.

Un très petit noyau de citoyens se tient à l'écart des élections par conviction idéologique plus ou moins systématiquement exprimée. Beaucoup plus nombreux (Jérôme Jaffré et Anne Muxel) sont les abstentionnistes qui s'intéressent très peu à la politique et sont assez sceptiques sur ce qu'ils peuvent en attendre. Ces segments du public font souvent état d'un sentiment d'incompétence relativement aux questions qu'ils perçoivent comme « politiques ». Ils sont en même temps très critiques à l'égard des hommes et des partis politiques. Ils appartiennent pour l'essentiel aux milieux populaires et les difficultés auxquelles ils sont confrontés les confortent dans leur conviction qu'il n'y a pas grand-chose à attendre de la politique et qu'il est préférable de se tenir à l'écart. Certains votants ont un rapport à la politique assez proche des précédents, avec cette différence qu'ils ont des préférences établies de longue date et transmises par les groupes primaires. Ces préférences les rattachent à des groupes organisés (mouvement ouvrier ou mouvance catholique par exemple). Leurs sympathies politiques sont peu vigoureuses mais, réactivées et renforcées par les sollicitations des membres plus politisés de leurs entourages et par des sentiments civiques, elles soutiennent des dispositions à voter encore relativement solides bien qu'elles tendent à s'effriter. Des fractions jeunes se situant à des niveaux moyens dans la hiérarchie des diplômes, des positions sociales et des niveaux de politisation sont aussi plus fréquemment abstentionnistes que par le passé. Enfin, depuis une vingtaine d'années, une fraction croissante du public politisé se déclare déçue par la politique en général. Elle exprime ses mécontentements par des votes « blancs » ou de « protestation » ou par l'abstention.

L'augmentation de ces abstentions hétérogènes résulte[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Daniel GAXIE. ABSTENTIONNISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Abstentionnisme sous la V<sup>e</sup> République - crédits : Encyclopædia Universalis France

Abstentionnisme sous la Ve République

Cinquième République : abstentionnisme aux élections présidentielles - crédits : Encyclopædia Universalis France

Cinquième République : abstentionnisme aux élections présidentielles

Cinquième République : abstentionnisme aux élections législatives - crédits : Encyclopædia Universalis France

Cinquième République : abstentionnisme aux élections législatives

Autres références

  • ANARCHISME

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    Nous ne disposons que de données partielles sur l'effet direct du chômage. Si l'on accepte les analyses d'Alain Lancelot démontrant le lien entrel'abstention et le degré d'intégration sociale, on peut faire l'hypothèse d'une abstention plus forte parmi les chômeurs qui connaissent le chômage « total...
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