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ANTINOMIE

N'est pas antinomie n'importe quelle contradiction, mais seulement celle qui joue entre des lois — soit des lois juridiques ou théologiques, soit des lois de la raison (Kant), soit des thèses déduites de lois logiques (théorie des ensembles) —, ni n'importe quel paradoxe, mais seulement ce qui heurte l'attente d'une cohérence entière dans un système rationnel ou logique. D'autre part, une antinomie n'est pas nécessairement une aporie : il y a des solutions aux antinomies (Kant) ; elles sont elles-mêmes le mouvement du réel et autorisent la progression dialectique (Hegel) ; on peut forger des instruments destinés à les éviter (Russell).

Pour Kant, les antinomies sont des contradictions dans lesquelles la raison pure s'engage nécessairement lorsque, dans le cadre de la cosmologie rationnelle, elle cherche l'inconditionné dans le phénomène (soit dans la série totale des conditions, soit dans un premier terme absolu) et traite ainsi le monde des phénomènes comme une réalité en soi. La raison s'exprime alors par des couples de propositions qui s'affrontent et qui sont également plausibles et également indémontrables. Par exemple, on peut poser (thèse) : « Le monde a un commencement dans le temps et il est aussi limité dans l'espace. » À quoi répond l'anthithèse : « Le monde n'a ni commencement dans le temps ni limite dans l'espace, mais il est infini aussi bien dans le temps que dans l'espace. » La solution, qui est une solution critique, consiste à distinguer phénomène et chose en soi.

En mathématiques, les antinomies affectent les principes de la théorie des ensembles et obligent à un travail essentiel ; elles ont été découvertes dans les dernières années du xixe siècle et au début du xxe : en 1897, la contradiction de Burali-Forti (sur l'ensemble de tous les nombres ordinaux) ; en 1899, le paradoxe de Cantor (dit de l'ensemble de tous les ensembles) et l'antinomie du plus grand des cardinaux ; en 1902, le paradoxe des imprédicables de Russell (cf. J. Vuillemin, Leçons sur la première philosophie de Russell).

— Françoise ARMENGAUD

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes

Classification

Pour citer cet article

Françoise ARMENGAUD. ANTINOMIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FREGE GOTTLOB (1848-1925)

    • Écrit par Claude IMBERT
    • 3 259 mots
    ...Malheureusement, Frege ne parvint pas à composer un système logique impeccable, et la loi V des Lois fondamentales donna à B. Russell l'occasion de formuler l'antinomie des classes en posant la question suivante : si un concept est défini pour tout argument, quelle est la valeur (vrai ou faux) du concept...
  • INFINI RÉGRESSION À L'

    • Écrit par Universalis
    • 840 mots

    Parce qu'expliquer c'est remonter du présent à ce qui l'a précédé, du composé au simple, la régression à l'infini est un procédé logique qui tente de rencontrer une limite ou un terme premier ne dépendant plus d'aucune condition. L'impossibilité d'accomplir ainsi la régression, s'agissant...

  • LOGIQUE

    • Écrit par Robert BLANCHÉ, Jan SEBESTIK
    • 12 972 mots
    • 3 médias
    D'après Russell, qui reprend ici une idée de Henri Poincaré, la source des antinomies consiste dans une sorte de « réflexivité ou auto-référence » qui aboutit à un cercle vicieux : « être prédiqué de soi-même », dans le cas de l'antinomie de Russell ; « être défini dans les termes d'une ...
  • RAISONNEMENT

    • Écrit par Robert BLANCHÉ
    • 5 009 mots
    ...aboutissent à une conclusion qui contredit les prémisses, ou encore qui justifient deux conclusions contradictoires entre elles : ce sont les paradoxes ou antinomies logiques. La plus célèbre, due à Eubulide de Mégare, et sur laquelle s'est longuement exercée la sagacité des logiciens, est celle de l'homme...

Voir aussi