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Les Ambassadeurs, H. Holbein le Jeune

Hans Holbein le Jeune (1497-1543), Les Ambassadeurs. 1533. Huile sur toile. 2,07 m X 2,095 m. National Gallery, Londres.

Ce double portrait, Les Ambassadeurs, est une des œuvres majeures de Hans Holbein le Jeune. Longtemps identifiés comme deux nobles britanniques, les personnages ont été reconnus, au début du xxe siècle, comme des Français résidant temporairement en Angleterre : la carrière de l'artiste s'est en effet déroulée essentiellement en Grande-Bretagne, où il exécuta de magnifiques portraits, notamment celui du roi Henri VIII. Holbein s'intéressait aux sciences et aux lettres de son temps. En contact avec des humanistes, il fut l'ami d'Érasme, dont il fit le portrait. Avec Les Ambassadeurs, Holbein réalise à la fois un portrait d'apparat et un portrait savant.
Jean de Dinteville, le commanditaire de l'œuvre, est à gauche. En 1533, date du tableau, il est ambassadeur de France en Angleterre. Une inscription sur le fourreau de la dague qu'il tient de la main droite nous apprend qu'il a vingt-neuf ans. À droite, Georges de Selve, évêque de Lavaur, un ami venu lui rendre visite. Il s'appuie sur un livre qui porte une inscription donnant son âge : vingt-cinq ans. Quant au peintre, il a signé son œuvre sur le pavement, à gauche. Chacun des protagonistes du tableau est donc identifié par une inscription.
Les objets placés entre les deux ambassadeurs ont une portée symbolique. L'étagère supérieure est consacrée aux sciences du ciel ; on remarque, de gauche à droite, un globe céleste, un calendrier de berger, deux quadrants ou quarts de cercle, un petit calendrier, un cadran solaire polyèdre et un torquetum, ou turquet, instrument complexe servant à déterminer les positions relatives des corps célestes, à indiquer les latitudes et à donner l'heure. Les objets de l'étage inférieur concernent les choses terrestres : un globe terrestre (au centre de la France est indiqué le nom du château de Jean de Dinteville, Polisy), un livre d'arithmétique, une équerre, un compas, un luth dont l'une des cordes est cassée, et un livre de cantiques allemands posé sur une boîte de flûtes. Ces différents objets représenteraient une des deux branches traditionnelles de l'enseignement, le « quadrivium », comprenant la géométrie, l'arithmétique, l'astronomie et la musique. L'autre branche, le « trivium », comprenant la grammaire, la rhétorique et la dialectique, serait représentée par les ambassadeurs eux-mêmes.
En haut à gauche, en partie caché par la tenture, un crucifix et, en bas au centre, un crâne invitent à méditer sur la mort. Le crâne est peint sous la forme d'une anamorphose, c'est-à-dire volontairement déformé. Il faut en effet se placer de biais par rapport au tableau pour le voir apparaître sous sa forme réelle, ou encore utiliser un instrument optique. Le procédé était connu et apprécié. Mais Holbein donne à ce jeu une portée spirituelle. Sa position centrale met le crâne en évidence, faisant de lui un véritable memento mori. Alors que Jean de Dinteville et Georges de Selve regardent le spectateur en face, la mort le regarde à son insu.
Auteur : Barthélémy Jobert