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WORDSWORTH WILLIAM (1770-1850)

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Une philosophie poétique

Même réalisé, The Recluse n'aurait jamais répondu à ce dessein. Les fragments qu'en sont The Prelude, publié trois mois après sa mort survenue à Rydal Mount, Westmoreland, et The Excursion, paru en 1815, manquent de rigueur dans leur conception même d'épopée-confession et de narration dramatique, mais ils restent impressionnants par leur masse, quelque seize mille vers, par l'extrême tension de la pensée créatrice et surtout par les coups de sonde qui descendent jusqu'aux « données immédiates de la conscience », beauté sublime et peur panique, captent les émois et frissons de la sensibilité élémentaire mais complexe, et tentent de communiquer les moments ineffables et privilégiés d'extase mystique où l'imagination, prolongement de la perception sensorielle, met l'âme humaine en communion avec l'anima mundi. La mémoire est la collaboratrice de l'imagination : elle reste le témoin permanent qui permet au poète-philosophe de contrôler son pouvoir visionnaire, l'authenticité des secondes impressions par rapport aux premières et vice versa. « Génie de la rétrospection », selon Charles Du Bos, Wordsworth a anticipé Bergson et sa notion de « la création de soi par soi », achèvement de nos « dispositions prénatales », car « notre personnalité pousse, grandit, mûrit sans cesse ». Ce sont les philosophes qui désormais doivent, pour leur profit et le nôtre, collaborer à l'interprétation d'une œuvre qui est loin d'avoir livré tous ses secrets. La phénoménologie de Merleau-Ponty et de Bachelard va dans le sens du rousseauisme, mais plus loin ; la « philosophie de l'organisme », commune à Whitehead et à Jean Wahl, confirme l'intuition qu'il existe « un sentiment de conformation avec le monde extérieur ». Si certains travaux mettent en évidence la profondeur de la pensée chez Wordsworth, il serait grave de négliger l'exigeante probité de l'artiste ; partageant les victoires et compensant les défaillances de l'inspiration, elle témoigne de la sincérité et de l'intégrité d'une œuvre qui coïncide toujours avec son créateur.

— Louis BONNEROT

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Écrit par

  • : professeur honoraire à la Faculté des lettres et sciences humaines de Paris

Classification

Pour citer cet article

Louis BONNEROT. WORDSWORTH WILLIAM (1770-1850) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Wordsworth - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Wordsworth

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par , , , , , et
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    ...contient également un message éthique. Le retour aux traditions nationales, au peuple et à la nature annoncé dans le programme des Lyrical Ballads (1798) de William Wordsworth (1770-1850) et Samuel Taylor Coleridge (1772-1834) – dénommés lakistes à cause de la région des Lacs, dans le Cumberland, où ils résidèrent...
  • ROMANTISME

    • Écrit par et
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    • 24 médias
    La parenté de Constable avec Wordsworth a frappé tout le monde. Ce n'est pas seulement une coïncidence de génération et de site. Ce qui les unit est leur conception de la nature et de l'art. Le projet de Constable d'arracher au temps l'instant fugitif est bien proche de la célèbre définition de la poésie...
  • BYRON GEORGE GORDON (1788-1824)

    • Écrit par
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    • 1 média
    ...Byron, a minor ». Violemment critiqué par l'Edimburgh Review en janvier 1808, il répondit en mars 1809 par une satire vengeresse et géniale, Bardes anglais et critiques écossais, où il attaquait, avec un jugement sûr, les poètes romantiques en vogue, notamment Southey, Coleridge etWordsworth.
  • COLERIDGE SAMUEL TAYLOR (1772-1834)

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    • 2 848 mots
    • 1 média
    ...Fall of Robespierre (La Chute de Robespierre, 1794) et l'autre journalistique (il lance un journal engagé, The Watchman [Le Guetteur], 1796), le rejettent vers un panthéisme affectif qu'il croit proche de celui de son nouvel ami,Wordsworth, puis vers la poésie méditative et fantastique.
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