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THACKERAY WILLIAM MAKEPEACE (1811-1863)

Une ironie désabusée

L'ensemble de l'œuvre de Thackeray est à l'image de sa personnalité amèrement tourmentée. Trop victorien et trop intimement divisé pour ne pas se résigner aux compromis, il s'est surtout attaché à faire ressortir l'origine individuelle du mauvais fonctionnement de la société. Que les déshérités, chassant les castes dirigeantes, aient pris le pouvoir ne lui eût apporté que faible satisfaction. Car la vanité, l'arbitraire et l'injustice eussent seulement changé de catégorie. Mais que l'adulation des fausses valeurs – fortune ou titre – se soit effacée devant une estime souveraine des qualités d'esprit et de cœur, voilà qui lui eût semblé l'ouverture sur le salut collectif. Son testament spirituel a donc résidé en une leçon de discernement et néanmoins de confiance en la vertu. La trame de La Foire aux vanités, comme l'argumentation, pour décousue qu'elle soit, du Livre des snobs n'a d'autre portée que celle d'un sermon laïc sur la fragilité des ambitions humaines dirigées en dehors des chemins de l'humilité et de la tolérance. Elle nous a offert en tout cas d'exemplaires analyses, annonciatrices des dissections d'un George Meredith, de l'égoïsme et du faux-semblant.

L'art de Thackeray est tout en impondérables, en suggestions, au point d'incliner vers une politique de l'implicite. Son sens de la médiocrité de la plupart des êtres le conduit, par une sorte d'ironie désabusée, à préférer sur le plan technique les sinuosités d'un narratif nonchalant, traversé de souvenirs panoramiques et de méditations à bâtons rompus, aux éclats directs de la scène dramatique. Au total, cependant, ce qui le caractérise a été une très rare alliance de tendresse et de sarcasme, une variété très particulière d'humour qu'il a lui-même, en une formule mémorable, défini comme étant composé de « l'esprit plus l'amour ».

— Raymond LAS VERGNAS

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Pour citer cet article

Raymond LAS VERGNAS. THACKERAY WILLIAM MAKEPEACE (1811-1863) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Page de titre de <it>Vanity Fair</it> (<it>La Foire aux vanités</it>) de William Makepeace Thackeray - crédits :  Bridgeman Images

Page de titre de Vanity Fair (La Foire aux vanités) de William Makepeace Thackeray

Le Bedlam - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Le Bedlam

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Littérature

    • Écrit par Elisabeth ANGEL-PEREZ, Jacques DARRAS, Jean GATTÉGNO, Vanessa GUIGNERY, Christine JORDIS, Ann LECERCLE, Mario PRAZ
    • 28 170 mots
    • 30 médias
    William Malepeace Thackeray (1811-1863) doit être plutôt rangé parmi les représentants typiques du compromis victorien, car les traits amers de sa satire ne sont jamais une critique radicale de la société contemporaine. Romancier, il a su rendre comme peu d'autres l'inévitable influence des années sur...
  • LA FOIRE AUX VANITÉS, William Thackeray - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-François PÉPIN
    • 780 mots
    • 1 média

    La Foire aux vanités (Vanity Fair, a Novel without a Hero), chef-d'œuvre de l'écrivain anglais William Makepeace Thackeray (1811-1863), paraît tout d'abord en fascicules, de janvier 1847 à juillet 1848, puis en deux volumes, cette même année. L'histoire est celle de deux amies d'enfance,...

  • VICTORIENNE ÉPOQUE

    • Écrit par Louis BONNEROT, Roland MARX
    • 10 883 mots
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    ...l'assouvissement fatal ; Les Hauts de Hurlevent(Wuthering Heights, 1847), malgré ses attaches avec le romantisme, est une très grande œuvre intemporelle. Thackeray (1811-1863) met en pratique un réalisme rival de celui de Dickens, mais visant un autre objectif : la dissection swiftienne du snobisme dans...

Voir aussi