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WHITNEY WILLIAM DWIGHT (1827-1894)

Linguiste américain, William D. Whitney étudie d'abord à Yale, puis en Allemagne, en particulier à Berlin où il a pour professeur le comparatiste Franz Bopp. En 1854, il est professeur de sanskrit à Yale, puis, à partir de 1869, professeur de grammaire comparée. Sanskritiste d'origine donc, Whitney était très connu en Allemagne pour ses travaux originaux et novateurs sur cette langue (A Sanskrit Grammar, Including both the Classical Language and the Older Dialects of Veda and Brahmana, 1879). Mais ses intérêts sont plus vastes. Il étudie aussi bien les langues vivantes (il publie une grammaire de l'anglais, un dictionnaire de l'allemand) que l'origine des divisions temporelles en Extrême-Orient. Ce n'est pourtant pas pour ces travaux que Whitney occupe une place importante dans l'histoire de la linguistique moderne. Il semble, en effet, qu'il ait eu une grande influence sur Ferdinand de Saussure par l'intermédiaire de deux ouvrages souvent réédités jusqu'à la fin du xixe siècle, La Vie du langage (The Life and Growth of Language, 1875) et Language and Its Study (1876), ouvrages également traduits et largement diffusés en Allemagne et en Italie.

On peut juger de l'importance de Whitney aux yeux de Saussure à ce passage des manuscrits édités par Godel : « L'Américain Whitney, que je révère, n'a jamais dit un seul mot... qui ne fût juste » (R. Godel, Les Sources manuscrites du Cours de linguistique générale de F. de Saussure, 1957). Et, dans son Cours de linguistique générale, il déclarait : « Sur le point essentiel, le linguiste américain nous semble avoir raison : la langue est une convention et la nature du signe dont on est convenu est indifférente. » C'est là, en effet, le grand apport de Whitney : considérant la langue comme une institution sociale, au même titre que toutes les autres institutions (s'opposant en cela à des prédécesseurs, Schleicher en particulier, pour qui la langue était une création naturelle), il concevait la linguistique comme une science historique, et non pas naturelle, et en tirait la conclusion que les signes linguistiques sont fondamentalement conventionnels, allant jusqu'à écrire que c'était au fond par hasard que nous utilisions les organes de la phonation pour communiquer. Saussure conteste parfois les thèses de Whitney dans leur aspect le plus extrême, mais il en tient une pour acquise : le langage est une institution, et non un organisme, ce que semblaient postuler les positions généralement admises et que réfuta définitivement le linguiste américain lors, notamment, de sa polémique avec Max Müller. De là vient la prévalence, toute moderne, du « conventionnel » sur le « naturel » en matière de langue ; Saussure ira plus loin, représentant celle-ci comme un système organisé de valeurs. Le Genevois avait d'ailleurs eu l'intention, en 1893, de rédiger un long article sur Whitney, qui ne fut jamais entrepris. Whitney reste aujourd'hui curieusement méconnu, même aux États-Unis, malgré l'hommage que lui rendit L. Bloomfield (Le langage, 1933). Tentant de constituer la linguistique en tant que science (ce qu'elle n'était pas encore pour lui), il a émis à son époque un certain nombre d'idées dont certaines sont loin d'être dépassées.

— Louis-Jean CALVET

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Écrit par

  • : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à la Sorbonne

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Louis-Jean CALVET. WHITNEY WILLIAM DWIGHT (1827-1894) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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