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WANG LES QUATRE (XVIIe s.)

Au début de l'époque Qing, l'essor de la peinture chinoise se poursuit dans les provinces du Sud, là où l'attachement à la culture Ming était resté très vivant plus d'une génération après l'installation des Mandchous à Pékin. À côté d'artistes isolés, recherchant une voie personnelle, un grand nombre de peintres suivent les idéaux des lettrés de la fin de la période Ming. Ils se rangent sous la bannière de Dong Qichang (15551636), dont la forte personnalité et l'autorité avaient établi une orthodoxie nouvelle, fondée sur l'étude et la copie des Anciens. Cette théorie marqua parfois de rigidité et d'immobilisme l'art de la fin des Qing, mais ses premiers adeptes se montrèrent des réformateurs inspirés. Les « Quatre Wang » en sont les plus illustres représentants. À travers une fervente recherche de l'Antiquité, ils trouvèrent le moyen de libérer leur créativité et de redonner une vie entièrement nouvelle aux œuvres du passé.

Les deux plus âgés, Wang Shimin (1592-1680) et Wang Jian (1598-1677), établissent le lien entre la génération de Dong Qichang et celle de leurs élèves, Wang Hui (1632-1717) et Wang Yuanqi (1642-1715), actifs à la fin du xviie siècle sous le règne de l'empereur Kangxi.

Bien qu'ils soient originaires tous les quatre de la province méridionale du Jiangsu et qu'ils portent le même nom de famille, ces peintres n'ont aucune parenté, à l'exception de Wang Yuanqi qui était le petit-fils de Wang Shimin. En revanche, ils furent amis, s'encouragèrent mutuellement et portèrent une admiration réciproque à leurs œuvres, ainsi qu'en témoignent les nombreuses inscriptions calligraphiées sur les peintures.

Ils sont souvent associés à deux autres contemporains, Wu Li (1632-1718) et Yun Shouping (1633-1690), pour former alors les « Six Grands Maîtres du début des Qing ».

Leur art, unanimement loué en Chine, diversement apprécié en Occident, ne séduit pas d'emblée. La référence constante aux Anciens, la monotonie apparente des compositions, les conventions graphiques semblent vouer les artistes à des redites sèches et creuses. Or, à la manière d'un virtuose qui interprète un morceau de musique ou d'un joueur qui adopte une tactique personnelle, le peintre orthodoxe trouve son originalité à travers une discipline établie. Dans la peinture chinoise, comme dans la calligraphie, le schéma de base est commun, mais le résultat final est, à chaque fois, un acte unique et différent.

La valeur de l'œuvre peinte ne réside donc pas dans son prétexte formel mais dans son contenu expressif, dans le rythme interne ou « souffle cosmique » qui l'anime. Les critiques chinois, qui s'attachent surtout au graphisme du pinceau et aux tonalités de l'encre, ne s'y trompent pas. Ils sont capables, cas non exceptionnel, de sentir toutes les nuances d'un paysage de Wang Yuanqi inspiré par Wang Shimin, imitant l'interprétation faite par Dong Qichang de la manière de Ni Zan, et savent déceler une création individuelle là où l'œil occidental serait tenté de ne voir qu'une imitation servile.

Modérant volontairement leur élan personnel, Wang Shimin et Wang Jian ont pour seul but de rendre hommage au passé. Leur quête laborieuse pour capter l'esprit des Anciens permettra l'éclosion du génie éclectique de Wang Hui. Quant à Wang Yuanqi, il ne se contente pas de suivre la ligne tracée par ses aînés. Son œuvre, particulièrement attachante, est sans doute celle qui, dans le cadre que le peintre s'impose, révèle la personnalité la plus hardie.

Deux humbles serviteurs du passé

Un hommage à Huang Gongwang

Wang Shimin était issu d'une grande famille de lettrés, originaire de Taicang. Ayant hérité du titre de son père, il occupa une charge officielle dans le gouvernement des Ming,[...]

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Pour citer cet article

Françoise DENÈS. WANG LES QUATRE (XVIIe s.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Deuxième voyage de l'empereur Kangxi, Wang Hui - crédits : AKG-images

Deuxième voyage de l'empereur Kangxi, Wang Hui

Autres références

  • CHINOISE CIVILISATION - Les arts

    • Écrit par Corinne DEBAINE-FRANCFORT, Daisy LION-GOLDSCHMIDT, Michel NURIDSANY, Madeleine PAUL-DAVID, Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS, Pierre RYCKMANS, Alain THOTE
    • 54 368 mots
    • 37 médias
    D'autre part, au début de l'époque Qing, le courant orthodoxe a été illustré par les « quatre Wang » : Wang Shimin (1592-1680), Wang Jian (1598-1677), Wang Hui (1632-1717), Wang Yuanqi (1642-1715). L'œuvre de ce dernier est particulièrement attachante : son art, très cérébral, peut paraître aride...
  • DONG QICHANG [TONG K'I-TCH'ANG] (1555-1636)

    • Écrit par Pierre RYCKMANS
    • 1 878 mots
    ...compositions préméditées, d'autre part à la spontanéité acide et désinvolte de ses feuillets d'album – lui assureront une double postérité à l'époque Qing : l'académisme éclectique des « quatre Wang » reprend son culte des modèles classiques, tandis que l'audacieuse originalité des grands individualistes (Bada...

Voir aussi