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LEDUC VIOLETTE (1907-1972)

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Le salut par l'écriture

Ces récits, écrits à la première personne, n'établissent pas cependant l'identité nominale de l'auteur, du narrateur et du personnage qui scelle le genre de l'autobiographie en établissant un engagement spécifique par rapport au lecteur. Avec La Bâtarde, suivi de La Folie en tête (1970) puis de La Chasse à l'amour (1973, posthume), Violette Leduc assume pleinement le projet autobiographique qui implique également le respect d'un ordre de succession chronologique, la saisie totalisante d'une vie et, dans son cas, une référence récurrente au temps et aux problèmes de l'écriture. « Une femme descend au plus secret de soi et elle se raconte avec une sincérité intrépide » écrit Simone de Beauvoir dans sa préface à La Bâtarde. Violette Leduc clame sa « passion de l'impossible » qui l'incite inéluctablement à aimer qui ne peut l'aimer en retour, notamment des homosexuels inaccessibles comme les écrivains Maurice Sachs et Jean Genet, ou le mécène Jacques Guérin qui publia certains de ses ouvrages. Elle manifeste un goût ambigu pour les relations amoureuses triangulaires, source de souffrances multiples. L'autobiographe avoue ses fautes et ses humiliations, raconte ses expériences les plus secrètes et les plus douloureuses (avortement, tentative de suicide, délires de persécution), déplore inlassablement sa laideur, avec une prédilection marquée pour la mise en scène grotesque de soi. Elle tend même à dramatiser parfois son délaissement ou ses insuffisances, comme le montre son biographe Carlo Jansiti. La narratrice revit intensément son passé qu'elle restitue par des « petites phrases haletantes », des monologues intérieurs chaotiques, des télescopages temporels. Elle apostrophe les personnages marquants de sa vie, pour rétablir une communication avortée ou pour les placer, enfin, sous son contrôle. L'onirique et le réel se confondent dans une prose poétique caractérisée par une recherche métaphorique profondément originale. Le dialogue avec le lecteur, que l'auteur veut « séduire avec ses misères », contribue à la vivacité et à la violence de la confession. L'écriture devient ainsi une forme de salut : elle transforme l'échec en réussite et instaure un nouveau rapport avec autrui. Par sa franchise provocante et courageuse où l'impudeur ne devient jamais indécence, Violette Leduc a su déplacer, en son temps, les frontières du dicible.

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, agrégée de lettres classiques, maître de conférences honoraire de littérature française à l'université de Lille-III

Classification

Pour citer cet article

Éliane LECARME-TABONE. LEDUC VIOLETTE (1907-1972) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Média

Violette Leduc - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Violette Leduc

Autres références

  • GENET JEAN (1910-1986)

    • Écrit par
    • 3 111 mots
    • 2 médias
    ...devient un auteur de théâtre. Les Bonnes, inspirées du crime des sœurs Papin, sont créées à l'Athénée dans une mise en scène de Louis Jouvet. La romancière Violette Leduc, révélée simultanément par les mêmes protecteurs – Sartre, Beauvoir, Cocteau, Jouhandeau –, bâtarde elle aussi et si profondément...
  • LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE

    • Écrit par
    • 7 278 mots
    • 13 médias
    ...à l’existentialisme, l’œuvre autobiographique de Beauvoir montre l’exemplarité d’un parcours d’affranchissement et d’autonomie. C’est elle qui soutient Violette Leduc (1907-1972), et qui ouvre la voie aux écritures plus affirmativement féministes des années 1960 et 1970, notamment celle de Monique...