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WITTIG MONIQUE (1935-2003)

Monique Wittig - crédits : Les Lee/ Daily Express/ Hulton Archive/ Getty Images

Monique Wittig

Au croisement de la théorie et de la fiction, l’œuvre de Monique Wittig pose la question de la place des femmes dans la littérature et dans la société.

Née le 13 juillet 1935 à Dannemarie en Alsace, Monique Wittig grandit dans l'Aveyron, à Rouergue dans les Causses, où ses parents s'installèrent pour fuir l'invasion allemande, puis en région parisienne.

À la lecture du manuscrit, resté inédit, de La Mécanique, Jérôme Lindon, directeur des éditions de Minuit, eut le sentiment de découvrir une écriture prometteuse mais encore inaboutie. Ce n'est que quelque temps après que paraît L'Opoponax, son premier roman (1964, prix Médicis). Traduit dans douze pays, il est salué par la critique internationale, notamment par Mary McCarthy aux États-Unis, et en France par les écrivains du Nouveau Roman (Duras, Sarraute et Simon). Suivirent, de 1965 à 1985, des textes de fiction (Les Guérillères, 1969 ; Le Corps lesbien, 1973 ; Virgile, non, 1985, ainsi qu'une dizaine de nouvelles publiées dans des revues) et cinq pièces de théâtre dont Le Voyage sans fin, autour de Don Quichotte, produite en 1985 au théâtre du Rond-Point à Paris avec la collaboration de Sande Zeig. Une collaboration qui avait déjà donné lieu, en 1976, à la publication d'un dictionnaire du lesbianisme, Brouillon pour un dictionnaire des amantes.

Contemporaine des écrivains qui revendiquèrent une « écriture féminine », Monique Wittig a toujours refusé ce qu'elle considérait comme une métonymie réductrice de son œuvre : « Il n'y a pas de littérature féminine pour moi, ça n'existe pas. En littérature, je ne sépare pas les femmes des hommes. On est écrivain ou pas. » Et « c'est finalement par l'entreprise d'universalisation qu'une œuvre littéraire peut se transformer en une machine de guerre » afin de bouleverser l'histoire des formes dans laquelle elle s'inscrit, affirmait-elle dans une conférence intitulée « The Trojan Horse » (« Le Cheval de Troie », repris dans La Pensée straight). Dans cette logique, ses textes se distinguent par un travail sur les pronoms personnels et sur certains des genres consacrés par le canon littéraire (roman de formation, épopée, dictionnaire, satire, etc.). Le Chantier littéraire : témoignage sur l'expérience langagière d'un écrivain, thèse qu'elle soutint à l'EHESS sous la direction de Gérard Genette en 1986 et qui fut publiée à titre posthume en 2010, atteste de cette démarche.

Parallèlement à son activité d'écriture, Monique Wittig fut l'une des pionnières du Mouvement de libération des femmes (MLF) en France. Elle en cosigna le premier manifeste, en mai 1970, dans L'Idiot international, et appartint au groupe qui déposa en août de la même année une gerbe en mémoire de la femme du soldat inconnu. Déplorant l'absence de prise en compte des problématiques lesbiennes dans les mouvements féministes français, elle partit pour les États-Unis en 1976, où elle enseigna à l'université de Californie à Berkeley, puis dans diverses universités jusqu'en 1990, lorsqu'elle rejoignit l'équipe enseignante de l'université d'Arizona. Depuis les États-Unis, elle maintint une activité éditoriale constante, collaborant à Questions féministes jusque dans les années 1980, avant de devenir conseillère à la rédaction de Feminist Issues.

Elle revint sur la scène éditoriale française en 1999, avec la sortie de Paris-la-Politique, puis de La Pensée straight (2001), publiée dix ans plus tôt aux États-Unis. Ce manifeste politique et essai critique regroupe certaines de ses contributions théoriques sur la pensée « hétéronormée » et la littérature de femmes. Son approche théorique pourrait, à cette lecture, être qualifiée de lesbianisme matérialiste. Pour Monique Wittig en effet, en référence à [...]

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Écrit par

  • : allocataire de recherches, chargée de cours à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Audrey LASSERRE. WITTIG MONIQUE (1935-2003) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Monique Wittig - crédits : Les Lee/ Daily Express/ Hulton Archive/ Getty Images

Monique Wittig

Autres références

  • FÉMINISME - Le féminisme des années 1970 dans l'édition et la littérature

    • Écrit par Brigitte LEGARS
    • 6 178 mots
    • 6 médias
    ...inachèvement, refus de la « phrase », et souvent de tout travail de formalisation esthétique, réévaluation de la communication aux dépens du « langage poétique ». Il s'appliqueront surtout à privilégier un rapport direct de l'écriture au corps, comme on peut le voir par exemple dans Le Corps lesbien...
  • LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE

    • Écrit par Dominique RABATÉ
    • 7 278 mots
    • 13 médias
    ...soutient Violette Leduc (1907-1972), et qui ouvre la voie aux écritures plus affirmativement féministes des années 1960 et 1970, notamment celle de Monique Wittig (1935-2003), qui rompt plus violemment avec les modèles hérités dans L’Opoponax (1964), où le « on » neutralise les pronoms personnels...

Voir aussi