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HEIDENSTAM VERNER VON (1859-1940)

La décennie 1890-1900, en Suède, est tout entière dominée par l'altière figure de cet aristocrate qui, né au bord du Vättern, allait donner, après une quarantaine d'années d'errances à travers le monde, à son pays l'œuvre classique, nationaliste et humaniste qui lui manquait.

Tous les prestiges de la fin du siècle ont concouru à enrichir sa figure. Enfant maladif, il a connu l'Orient, la Grèce et Rome pour trouver ce soleil invincible qu'il tentera, d'abord, de fixer en peinture, à Paris surtout où il sera l'élève de Gérôme. Après sa rencontre avec Strindberg, en 1884, il opte pour les lettres, et son premier recueil de poèmes, Pèlerinages et années d'errances (1888), fait de lui un néo-romantique pittoresque et enjoué, à la recherche pourtant d'une personnalité profonde, recherche que toute son œuvre poursuivra désormais. L'inspiration se précise avec Renaissance (1889), ouvrage où s'affirment les droits souverains de l'imagination. Mais le premier chef-d'œuvre, Hans Alienus (1892), est d'une tout autre portée : vaste épopée où vers et prose se mêlent, ce roman découvre l'étrangeté foncière du monde moderne pour qui porte en soi un amour souverain de la beauté classique et d'un idéal traditionnel.

Sous la pression de l'actualité, suédoise et mondiale, un infléchissement va se dessiner dès 1897. Cette année-là, paraît le cycle des Carolins (1897-1898), vaste épopée en prose appliquée à reconstituer l'histoire des grands rois de Suède et, à travers eux, le mythe national suédois ainsi fondé en romantisme historique. C'est le début d'une intense activité tout entière centrée sur la résurrection de ce rêve de grandeur. Pour les mêmes raisons, en dépit du paradoxe d'apparence, Heidenstam participe aussi, en 1897, à la fondation du quotidien libéral Svenska Dagbladet : les temps modernes sont à l'exaltation d'une puissante démocratie nationaliste qui ne saurait fleurir nulle part plus fièrement qu'aux rives du Mälar. Ces images de grandeur et de noblesse que Heidenstam porte en lui, ce désir de convertir tous nos errements en un spectacle d'une plastique antique se retrouvent dans la seconde épopée historique en prose, L'Arbre des Folkungar (1905-1907).

Position difficilement tenable, si l'on y réfléchit bien, dans une Suède travaillée par l'industrialisation rapide, les mouvements de gauche et les pamphlets libertaires, souvent assassins de Strindberg. Heidenstam tentera une nouvelle fois une évasion par le haut, en proposant dans la dernière œuvre publiée de son vivant, Nouveaux Poèmes (1915), un humanisme élevé, assez désincarné, centré sur quelques grands vocables prestigieux : le grand, le bon, le beau, seuls dignes de foi. Prix Nobel en 1916, il laisse une œuvre aujourd'hui nettement datée : il représente l'aboutissement réussi d'une très ancienne culture plus que l'incitateur de souffles nouveaux.

— Régis BOYER

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  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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    Autour de 1890, le lyrisme fleurit avecVerner von Heidenstam (1859-1940), romantique attardé capable de superbes romans historiques (Les Carolins) et dont le recueil Année de pèlerinages et d'errances (1888) ouvre la voie à Gustaf Fröding (1860-1911), disciple des romantiques anglais, poète...