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UNANIMISME, littérature

Avec le naturisme, l'intégralisme et l'école romane, l'unanimisme est l'un des mouvements poétiques qui s'engouffrent dans le vide ressenti après la disparition du symbolisme et avant l'apparition du surréalisme en France. Jules Romains en fut le promoteur : il racontera à André Cuisenier comment il eut, en 1903, « l'intuition d'un être vaste et élémentaire, dont la rue, les voitures et les passants formaient le corps et dont le rythme emportait ou recouvrait les rythmes des consciences individuelles ». Influencé sans pourtant complètement y adhérer par des nouvelles sciences telles que la « psychologie des foules » de Le Bon ou la sociologie de Durkheim, aussi bien que par les écrits de Zola et de Verhaeren qui ne rapportent que « la surface colorée de l'existence collective », il écrit Les Sentiments unanimes et la poésie, manifeste de l'unanimisme paru dans Le Penseur en 1905, qui se propose de combler ce vide par la poésie.

Ce projet est partagé par son ami, Georges Chennevière, et par les poètes-typographes de l'Abbaye, Charles Vildrac, Arcos, Georges Duhamel (Pierre Jean Jouve les fréquentera et leur devra, avant de la renier, la première partie de son œuvre). Ces poètes chantent tous avec lyrisme, mais le plus souvent sous forme épique, l'« âme collective » représentée par la ville, entité organique. Les individus qui la forment accèdent à la « divinité » grâce à leur conscience enthousiaste de collectivité, de solidarité ou de fraternité. La Vie unanime de Jules Romains (l'Abbaye, 1908) est un long poème épique qui relate l'évolution vers cette fraternité qui s'effectue malgré les soubresauts de l'individualisme. Un tel humanisme (qui animera aussi Les Hommes de bonne volonté) est peut-être moins intéressant que la découverte de la ville tout en mouvement, sujet poétique éminemment moderne, annonçant le futurisme (Marinetti fera partie de l'Abbaye), et la naissance d'une nouvelle poétique, moderne elle aussi, correspondant aux images et aux pensées devenues plus importantes que les conventions de la versification dominées, débordées par l'élan de cette poésie de la foule. Charles Vildrac, Jules Romains et Georges Chennevière seront aussi des théoriciens de cette nouvelle poétique (cf. Michel Décaudin, La Crise des valeurs symbolistes. 1895-1914).

L'unanimisme, qui s'attache à montrer une multitude d'individus dont les trajets parallèles ou croisés forment le mouvement de la société, donne lieu à une représentation simultanée. Il est aussi le berceau du simultanéisme dont la technique survivra à cette école généreuse, jeune, débordante d'optimisme, d'enthousiasme et de foi dans le progrès.

— Véronique KLAUBER

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Pour citer cet article

Véronique KLAUBER. UNANIMISME, littérature [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LES HOMMES DE BONNE VOLONTÉ, Jules Romains - Fiche de lecture

    • Écrit par Philippe DULAC
    • 1 121 mots
    Dès Le 6 octobre, prologue de l'ouvrage, la technique narrative imaginée par Jules Romains pour traduire sa vision « unanimiste » du monde apparaît dans toute son originalité : plus de héros principal, plus d'intrigue, mais un enchaînement rapide de scènes brèves, passant d'un personnage et d'un décor...
  • ROMAINS LOUIS FARIGOULE dit JULES (1885-1972)

    • Écrit par Antoine COMPAGNON
    • 533 mots

    Né dans le Velay, venu enfant à Paris, Jules Romains est reçu à l'École normale supérieure en 1905 et à l'agrégation de philosophie en 1909. Il enseigne pendant dix ans, mais depuis 1903 il a parallèlement une activité littéraire importante et il devient vite le représentant le plus brillant de...

  • SIMULTANÉISME, littérature

    • Écrit par Véronique KLAUBER
    • 416 mots

    La « vision multiple et totale de l'Individuel, du Collectif, de l'Humain et de l'Universel » débouche sur le chant polyphonique d'une nouvelle poésie dont le programme fut élaboré par Henri-Martin Barzun : son « dramatisme » (devenu simultanéisme par la suite)...

Voir aussi