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U.R.S.S. L'économie soviétique

L'économie de l'U.R.S.S. a été, jusqu'en 1990, une économie socialiste planifiée, dirigée par le Parti communiste à travers un système centralisé d'administration économique. La propriété d'État y jouait un rôle dominant et l'ensemble des activités économiques était orienté par un plan impératif. Ce système s'est effondré en 1991. Il est cependant indispensable de le comprendre, car ses séquelles perdurent à l'époque de la transition.

Depuis de nombreuses années déjà, le modèle ne fonctionnait pas bien. La croissance économique, après la période de reconstruction qui suivit la Seconde Guerre mondiale, a commencé à s'essouffler dans les années soixante. Des vagues successives de réformes ont tenté de revitaliser l'économie. La dernière en date, la perestroïka mise en œuvre par Mikhaïl Gorbatchev, s'enlisa en quelques années pour se terminer sur l'effondrement économique. À la veille de cet effondrement, l'économie soviétique n'était certes plus de type « stalinien », et les réformes intervenues l'avaient profondément modifiée. Cependant, les caractéristiques marquantes du système étaient toujours présentes, malgré les altérations qui lui avaient permis de s'adapter. Elles influençaient les mécanismes de fonctionnement de l'économie, ses performances, les comportements des agents économiques – travailleurs et consommateurs –, l'insertion de ce grand pays dans l'économie mondiale.

Les mécanismes de fonctionnement

On présente généralement l'économie soviétique comme un Léviathan, où toutes les décisions étaient prises du centre et où les moindres détails des activités étaient effectivement régis par un plan géant, ne laissant aucune marge de manœuvre aux exécutants. La réalité était plus complexe et plus confuse.

L'économie était subordonnée au monopole politique du Parti communiste. Le parti ne dirigeait pas formellement l'économie. Il en définissait, au sommet, les grandes orientations, le sens des réformes. À la base, il intervenait dans la gestion des unités de production par les cadres de la nomenklatura que lui-même y avait placés. La direction opérationnelle était assurée par une administration pléthorique, organisée sur la base du principe sectoriel, c'est-à-dire par grandes branches d'activité sous la responsabilité de ministères. Ces ministères transmettaient les directives centrales à leurs entreprises, mais aussi formaient avec celles-ci des cartels puissants, dont l'objectif consistait à complaire aux autorités politiques tout en assurant leurs propres intérêts matériels. Complaire aux autorités politiques signifiait exécuter formellement le plan : d'où l'importance de celui-ci.

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Le plan avait pour objectif théorique de contrôler toute l'activité économique. Au fil des années et à mesure que l'économie était devenue diversifiée et complexe, il était devenu de plus en plus difficile de planifier à partir du centre tous les indicateurs quantitatifs et qualitatifs de l'activité économique. C'est pourquoi les réformes successives avaient eu pour objectif de déconcentrer, plus que de décentraliser, ce processus, en donnant plus d'autonomie aux entreprises pour la préparation et l'exécution du plan. Indépendamment même de cette volonté politique, le plan avait peu à peu perdu son efficacité sur l'économie : la masse des données à traiter était trop grande, le temps pour le faire, toujours trop court, et les données sur lesquelles on s'appuyait, fatalement biaisées parce qu'elles étaient en même temps des indicateurs statistiques et des indicateurs de performance dont dépendaient les rémunérations et, plus largement, l'avenir des cadres supérieurs.

Ces indicateurs de performance étaient libellés essentiellement « en nature », en quantités physiques, et se rapportaient surtout au volume de la production. La technique de planification utilisée depuis le lancement du premier plan quinquennal (1928-1932), dite « méthode des balances », consistait à confronter, pour les produits ou groupes de produits les plus importants, les possibilités de production et les besoins. Les « besoins » ne correspondaient pas à une demande spontanée de biens utilisés dans la production ou pour la consommation finale. Ils étaient estimés, dans le cadre de la planification centrale, en fonction des priorités retenues pour la production, du niveau et du type de consommation jugés souhaitables par les autorités. L'objectif était de satisfaire la demande planifiée en utilisant de la façon la plus complète et la plus économe les ressources disponibles. L'équilibre entre les ressources et les besoins était recherché à travers le commerce extérieur. Lorsque les besoins planifiés n'étaient pas couverts par la production nationale, il fallait importer, et à ce stade on recherchait les excédents de production susceptibles d'être exportés. L'U.R.S.S. a été servie en ce sens par l'ampleur de ses ressources naturelles, notamment énergétiques.

Cette méthode de planification qui tendait à l'équilibre a, en fait, généré des déséquilibres chroniques. L'ajustement des ressources et des emplois n'était jamais obtenu, en effet, dans le cadre d'une planification centralisée, rigide, et en permanence « tendue », puisque les unités économiques étaient récompensées pour le dépassement du plan. Les « pénuries » qui en résultaient ne pouvaient être éliminées, comme en économie de marché, par des ajustements par les prix et les quantités, car les prix étaient fixés discrétionnairement par l'État.

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La monnaie était formellement présente dans la planification ; elle servait à évaluer les biens, à agréger les grandeurs physiques planifiées. Elle jouait un rôle négligeable dans le secteur de la production. Les possibilités des entreprises pour investir ou pour acquérir des ressources étaient limitées non par leurs moyens financiers, mais par l'inscription de leurs besoins au plan. Si elles ne disposaient pas d'une trésorerie suffisante pour payer des salaires, elles pouvaient obtenir des crédits automatiquement, à condition de prouver que ces postes de dépenses étaient prévus dans leur plan. En revanche, pour les consommateurs, la monnaie jouait un rôle plus important : ils pouvaient exercer un choix entre les biens proposés, et allouer leurs revenus en monnaie aux dépenses de leur choix, en principe. Mais les possibilités de choix étaient limitées par les restrictions administratives à l'acquisition de nombre de biens durables (voitures, logements) et par les pénuries résultant elles-mêmes de prix fixés à un niveau intentionnellement bas pour les biens et services jugés de première nécessité par le planificateur. En conséquence, il existait un rationnement implicite par les files d'attente, et une importante épargne qui ne trouvait pas à s'employer dans des achats de biens.

La croissance économique en U.R.S.S. a été, depuis 1928, orientée par les plans annuels et surtout quinquennaux, selon une stratégie dite « socialiste » imposée par l'U.R.S.S. après la Seconde Guerre mondiale aux démocraties populaires. L'objectif était d'assurer une croissance relativement plus rapide du « secteur I » (biens de production) que du « secteur II » (biens de consommation). Cela devait se vérifier pour l'ensemble de l'économie, et particulièrement pour l'industrie, donc conduire à un développement accéléré de l'industrie lourde. Pour y parvenir, il fallait pratiquer un mode de croissance dit « extensif », caractérisé par des taux d'investissement élevés. L'agriculture se trouvait mise au service de l'industrialisation, comme réserve de main-d'œuvre et comme source d'un « surplus » permettant de financer le développement industriel. Les réquisitions de blé, pour assurer des recettes d'exportation nécessaires aux importations de machines et pour couvrir les besoins des villes, entraînèrent de ce fait une famine massive en 1932-1933.

Cette stratégie, couplée avec la préparation de l'effort de guerre, conduisit à la mise en place d'un puissant complexe militaro-industriel, englobant non seulement la production d'armements, mais aussi la grande industrie dans son ensemble. Il était favorisé tant pour l'accès aux ressources productives que pour les salaires et avantages sociaux de ses travailleurs, ou pour la puissance politique de ses dirigeants. Grâce à son caractère prioritaire, il pouvait même consacrer une partie marginale de ses ressources à produire des biens de consommation durables de meilleure qualité que les industries dont c'était la spécialité.

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La crise de ce modèle intervint au début des années soixante, lorsque les taux de croissance commencèrent à décliner, et surtout lorsque les moyens de la croissance extensive vinrent à s'épuiser : les réserves de main-d'œuvre fournies par l'agriculture étaient asséchées ; les nouveaux gisements de matières premières se faisaient plus rares. D'où le tournant pris vers la croissance « intensive », slogan qui signifiait simplement la recherche d'une plus grande productivité du travail et d'une plus grande efficacité du capital. Comment faire passer cette stratégie dans les faits ? Ce fut le problème de tous les dirigeants soviétiques, de Khrouchtchev à Gorbatchev ; aucun ne parvint à infléchir la tendance au déclin des taux de croissance, malgré des tentatives répétées de réforme. De la même manière, la volonté, affirmée à partir de 1965, de renverser la priorité accordée aux biens de production ne se traduisit jamais dans la réalité, sauf pour de courtes périodes. Le secteur de la consommation demeura secondaire ; la puissance politique et le poids économique du complexe militaro-industriel s'opposaient au changement.

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Écrit par

  • : professeur émérite de sciences économiques, université de Pau

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    ...scientifique soviétique porte la marque de sa proximité avec le pouvoir, puisqu’il devient directeur de l’Institut de biochimie de l’Académie des sciences d’URSS en 1946, après avoir participé à son organisation en 1935. Par ailleurs, en tant que secrétaire académicien du département des sciences biologiques...

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