Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TOTÒ ANTONIO DE CURTIS dit (1898-1967)

Totò, acteur comique dont la personnalité d'exception joue encore un rôle de premier plan dans l'identité italienne, est à peu près ignoré hors de son pays. Il est pourtant, sans avoir jamais réalisé aucun film, un des grands créateurs de l'histoire du cinéma. Il y a apporté la tradition du théâtre de rue napolitain et de la commedia dell'arte. Par sa vitalité, son appétit universel, il renverse les obstacles, démasque les puissants, fait virevolter sa tête, s'envole, pond des œufs, sort ses yeux de leurs orbites, fait douter de son existence et en doute lui-même : ce frère de Till l'espiègle nous apprend que le cinéma, technique « moderne », peut être le véhicule de pulsions et de jubilations aux origines très profondes. Antérieures à l'Italie, au théâtre, à Plaute et à Térence, elles prennent leur source dans l'art du chaman, dans le rire du magicien, dans l'ironie du féticheur.

Né en 1898 dans un quartier pauvre de Naples, « de père inconnu », il n'est reconnu par le marquis de Curtis qu'en 1922, et devient Antonio Griffo Focas Flavio Angelo Ducas Comneno Porfirogenito Gagliardi de Curtis de Byzance, altesse impériale et passe sa vie à faire rire, mais ne tolère pas qu'on plaisante sur sa noblesse. Prime ici l'angoisse secrète de ne pas être respecté, du souci de la dignité, partagé par la plupart des grands comiques de l'écran et par les clowns. Ce souci est le filtre de ses obsessions : le sexe, la transgression, la faim, la misère. Et le rire.

Dès l'enfance, il transforme son visage et son corps en objets de toutes les déformations, pliures, spasmes et contorsions, pourvu que le théâtre et les spectateurs y trouvent leur compte. Sa carrière sur scène commence dans les années 1920 et se partage entre l'avanspettacolo dans les salles de cinéma (attractions se déroulant avant le film) ; les varietá et la rivista au théâtre. Ces genres mêlent sketches, attractions, intermèdes où les éléments érotiques et comiques créent une grande complicité avec un public populaire qui apostrophe volontiers artistes, musiciens et danseurs. Après 1940, auprès d'Anna Magnani, Totò représente une véritable machine de subversion, roulant les fascistes dans la farine, et même les nazis. Plaisanteries à double sens, mascarades érotico-burlesques, parades démentes, cette époque de la rivista influença notamment le cinéma de Fellini.

Totò ne tourne son premier film qu'en 1937. En 1967, il y en aura 97, qui comptent parmi les plus grands succès du cinéma italien. On peut les classer en « films d'auteur » et « films de metteurs en scène ». Parmi les premiers, un très curieux Rossellini, Où est la liberté, 1952, et trois chefs-d'œuvre de Pasolini (Des oiseaux petits et gros, 1966 ; La Terra vista dalla luna, sketch du film collectif Le Streghe, 1967 ; Che cosa sono le nuvole, sketch du film collectif Capriccio all'italiana, 1968). Parmi les « auteurs » que Totò a servis, avec une grande discipline d'acteur, citons aussi Monicelli (Larmes de joie, 1960), De Sica (L'Or de Naples, 1954), Lattuada, Eduardo De Filippo. La deuxième catégorie est composée de grands metteurs en scène (au sens strict) et de réalisateurs du tout venant. Ils se sont mis au service de Totò, prêts à toutes les souplesses (et parfois, toutes les concessions) pour lui laisser exprimer son génie comique et atteindre souvent à de véritables chefs-d'œuvre : Totò apôtre et martyr (A. Palermi, 1940, Totò le Moko (G. Bragaglia, 1949), Un turco napoletano (M. Mattoli, 1953), Totò, Peppino e la malafemmina (C. Mastrocinque, 1956).

En 1956, refusant malgré l'avis des médecins d'interrompre une tournée, Totò devient presque aveugle. Très affecté moralement, il quitte le théâtre mais continue le cinéma (on a comparé le choc de sa disparition à celui[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

René MARX. TOTÒ ANTONIO DE CURTIS dit (1898-1967) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COMÉDIE ITALIENNE, cinéma

    • Écrit par Jean A. GILI, Gérard LEGRAND
    • 3 496 mots
    • 3 médias
    ...comédies d'apparence « dialectale » (la série des Pane, amore e ...) tournées en 1953-1955, mais aussi dans l'œuvre essentiellement populaire du prince Antonio de Curtis Gagliardi Ducas Comnene (1898-1967), authentique descendant d'empereurs byzantins plus connu sous le nom de Totò. Ce comique génial...
  • MONICELLI MARIO (1915-2010)

    • Écrit par René MARX
    • 948 mots

    Né en 1915 à Viareggio, Mario Monicelli a connu l'une des plus longues carrières de l'histoire du cinéma : scénariste de cent six films, réalisateur de soixante-huit films en soixante et onze ans, il aura gagné une immense réputation internationale. Monicelli est le metteur en scène d'un comique étroitement...

Voir aussi