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RUFF THOMAS (1958- )

L'œuvre du photographe Thomas Ruff (né en 1958 à Zell am Hamersbach, Allemagne) se caractérise depuis le milieu des années 1980 par d'immenses portraits en couleurs (210 cm × 165 cm) de jeunes hommes et de jeunes femmes, pris frontalement, sous une lumière étale, et dans lesquels le visage, volontairement sans expression, occupe toute l'image. Bien que Ruff ait réalisé d'autres séries aux sujets bien différents, les portraits peuvent être considérés comme l'emblème de son travail. Ses autres œuvres se présentent sans effets prononcés, mais leur réalisme froid n'exclut pas un indéniable sentiment d'intimité ; elles sont comme la reproduction de reproductions antérieures, l'image de choses déjà vues.

Sans doute plus que d'autres photographes, Thomas Ruff se rattache à la mouvance allemande de la Neue Sachlichkeit des années 1920. Cette Nouvelle objectivité, qui comprenait des peintres et des photographes – parmi ces derniers, les plus connus sont August Sander, Albert Renger-Patzsch, Karl Blossfeldt – s'est beaucoup intéressé au portrait, aux objets, aux vues urbaines, sujets qui inspirent aussi Thomas Ruff. Vers la fin des années 1970, il étudie la photographie à l'Académie des beaux-arts de Düsseldorf (ville où il habite aujourd'hui) avec Bernd Becher qui réalise avec sa femme Hilla des œuvres d'un réalisme distancié ; Thomas Ruff leur est redevable de son goût pour les séries et de sa mise à distance des sujets. Sa première exposition personnelle d'importance a lieu en 1981 à la galerie Rüdiger Schottle, à Munich. Dès 1979, il avait réalisé sa première série, Intérieurs, des photographies de petit format en couleur (27,5 × 20,5 cm) dans lesquelles on peut voir des prises de vue serrées de coins de chambres, de salons, de murs, d'objets quotidiens, qui sécrètent la vie mais d'où toute présence humaine est exclue. À ces Intérieurs succède la série des Maisons, photographies en couleurs de façades d'immeubles, visiblement habités, entretenus, mais dont les habitants sont, là encore, invisibles. Ces deux séries se complètent, l'une montre pour ainsi dire ce qui se passe derrière la façade, l'autre étant l'enveloppe de ce qui est caché au regard, sans que l'on puisse, pour autant, relier tel intérieur à tel extérieur précis. Comme dans une sorte de progression de l'objet vers l'humain, la série des Portraits, commencée en 1988, semble montrer enfin les êtres humains. Cette fois, le format inhabituel des œuvres (près de deux mètres de hauteur) est proportionnellement inverse à la taille réelle du sujet représenté. Alors que l'on se serait attendu à de grandes photographies pour les Intérieurs et les Maisons et à des images plus réduites pour les Portraits, Ruff a choisi d'agrandir ce qui ressemble techniquement à une simple photographie d'identité.

Le monde des choses et celui des êtres humains sont, de manière inattendue, mis sur le même plan dans la série des Étoiles (1989). Par son format (260 × 188 cm) et par son tirage en couleurs chaque Étoile évoque un des Portraits ; d'ailleurs ces photographies, simples agrandissements de négatifs de l'Atlas of Southern Sky, sont de véritables « portraits » du ciel. La série commencée au début des années 1990, Photographies de journaux, rejoint d'une certaine manière la réalité (ce sont des reproductions de pages de journal), mais leur caractère fabriqué, factice est immédiatement perceptible. Enfin, deux séries, les Nuits (1995, couleur, 190 × 190 cm) et 3 D (portraits stéréoscopiques, 1995), confrontent de nouveau le spectateur à un jeu visuel très contrasté où la profondeur infinie de la nuit le dispute à la proximité accusée des visages. Depuis le début des années 2000, Thomas Ruff recourt aux images numériques collectées[...]

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Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art

Classification

Pour citer cet article

Jacinto LAGEIRA. RUFF THOMAS (1958- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par Hervé LE GOFF, Jean-Claude LEMAGNY
    • 10 750 mots
    • 21 médias
    ...internationale : Candida Höfer avec des vues de lieux de cultures ; Axel Hütte et ses paysages naturels ; Thomas Struth et ses photographies de musées visités ; Thomas Ruff et ses portraits ; Andreas Gursky avec des champs larges consacrés aux espaces d'activité collective ou à l'architecture des édifices publics....

Voir aussi