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ATOMIQUE THÉORIE

La résistance de Berthelot

La résistance irréductible à la théorie atomique, avec Marcelin Berthelot (1827-1907) à sa tête en France à la fin du xixe siècle, fut un esprit de chapelle, veillant à ce que les nominations à des chaires universitaires soient de la même stricte obédience. Se réduisit-elle à un conservatisme obtus ? De toute évidence, non. Berthelot lui-même était trop intelligent pour cela. Certes, il commit un abus de pouvoir. Ce mandarin de la science et de l'université française usa de ses hautes positions, y compris ministérielles, pour une chasse aux sorcières qui le déshonore. Néanmoins, son intention eut des aspects respectables. Sa prise de position anti-atomiste visait à empêcher l'implantation d'un nouveau dogmatisme, comparable à celui de la scolastique. Berthelot et ses émules (Henry Le Chatelier, pour citer l'un des plus prestigieux, autre géant de la chimie française) craignaient que les atomistes ne fabulent au sujet des assemblages d'atomes, à l'instar des spéculations de certains théologiens médiévaux quant au nombre d'anges pouvant occuper une tête d'épingle. Ils insistaient pour que les lois de la chimie reposent exclusivement sur des faits d'observation à l'échelle macroscopique, celle du laboratoire. L'aspect louable de cette position bornée est le rappel que la chimie est prioritairement une science expérimentale. D'autre part, l'incitation à rester fidèle au programme de recherches, que Lavoisier inaugura vers la fin du xviiie siècle, était d'autant plus licite que ce programme était loin, un siècle plus tard, d'être épuisé ou d'avoir émoussé son élan. La position réactionnaire de Berthelot et de ceux qui le suivirent s'explique aussi, sans doute surtout, par le saut conceptuel gigantesque des atomistes, depuis le monde macroscopique jusqu'au monde microscopique. L'admettre supposait beaucoup d'audace et d'imagination.

Quoi qu'il en soit, l'attitude hostile de Berthelot coûta très cher à la chimie française. Elle se fit distancer à la fin du xixe siècle par la chimie allemande. Elle mit des décennies ensuite à combler son retard, jusqu'à l'époque de la Seconde Guerre mondiale.

La théorie atomique est l'une des plus admirables constructions de l'esprit humain.

— Pierre LASZLO

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'École polytechnique et à l'université de Liège (Belgique)

Classification

Pour citer cet article

Pierre LASZLO. ATOMIQUE THÉORIE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BASES DE LA THÉORIE ATOMIQUE

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 199 mots
    • 1 média

    Le physicien et chimiste anglais John Dalton (1766-1844) expose en 1808 l'hypothèse atomique dans son ouvrage A New System of Chemical Philosophy. Il y écrit que « du rapport des poids dans la masse du composé, on peut déduire les poids relatifs des particules ultimes, ou atomes, des corps,...

  • ATOME

    • Écrit par José LEITE LOPES
    • 9 140 mots
    • 13 médias
    Ce n'est que deux mille ans après ces énoncés qu'une théorie atomique fut scientifiquement formulée. La théorie atomique moderne est née des efforts de Dalton au début du xixe siècle pour interpréter les phénomènes quantitatifs de la chimie.
  • ATOMIQUE PHYSIQUE

    • Écrit par Philippe BOUYER, Georges LÉVI
    • 6 651 mots
    • 1 média

    La physique atomique est née des expériences effectuées à la fin du xixe siècle qui ont montré que la matière était discontinue et formée d'atomes possédant une structure interne ; celle-ci étant à l'origine des raies observées dans les spectres d'émission et d'absorption du rayonnement par les...

  • BERZELIUS JÖNS JACOB (1779-1848)

    • Écrit par Jacques GUILLERME
    • 2 014 mots
    • 1 média
    ...comme invariant. Mais ses recherches, qui ont abouti à la publication en 1818 d'une première table de masses atomiques, procèdent plus particulièrement des spéculations de Dalton. Celui-ci avait réactivé en 1803 l'antique notion d'atomes dans une théorie des gaz proche de celle de Lavoisier. L'hypothèse...
  • CHIMIE - Histoire

    • Écrit par Élisabeth GORDON, Jacques GUILLERME, Raymond MAUREL
    • 11 186 mots
    • 7 médias
    ...d'abord à interpréter les lois empiriques de proportionnalités pondérales notifiées par les chimistes précédents, mais il posa comme première l'intuition de l'hypothèse atomique, reprise aux Anciens. Il se représentait que si les atomes substantiels demeurent invariables dans les transformations de la chimie,...

Voir aussi