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MALICK TERRENCE (1943- )

En près de cinquante ans, Terrence Malick a réalisé La Balade sauvage (Badlands, 1973), Les Moissons du ciel (Days of Heaven, 1978), puis, après vingt ans de silence créatif, La Ligne rouge (The ThinRed Line, 1998), Le Nouveau Monde (The New World, 2005), The Tree of Life (palme d’or au festival de Cannes 2011), À la merveille (To the Wonder, 2012) ou encore Une Vie cachée (A Hidden Life, 2019). Ces œuvres – parfois au risque du maniérisme – ont suffi à faire de lui un cinéaste hors normes, dont le nom reste attaché à un thème obsédant, le rapport ambivalent entre l'homme et la nature. Exilés de la création, pouvons-nous renouer avec la vie spirituelle dont la nature est l'expression ? Une telle interrogation, héritée du transcendantalisme américain de Ralph Waldo Emerson et Henry David Thoreau, exige, pour « passer » au cinéma, un recueillement et une puissance de méditation peu compatibles avec les paillettes hollywoodiennes.

Une poétique de l'espace

Né le 30 novembre 1943 à Ottawa (Illinois), Terrence Malick grandit au Texas et en Oklahoma, dans les grands espaces des puits de pétrole, du désert et des champs de blé. Bon joueur de football américain, il rejoint Harvard où il se révèle excellent philosophe et suit notamment l'enseignement de Stanley Cavell. Après un passage en Angleterre, il enseigne la philosophie au MIT de Boston et traduit en anglais VomWesen des Grundes de Heidegger. Il étudie ensuite le cinéma à l'American Film Institute, travaille à divers scénarios (dont celui de L'Inspecteur Harry), écrit le script de La Balade sauvage qu'il produit et porte à l'écran en 1973. Inspiré d'une histoire vraie, le film, s'il renoue avec les fictions du couple criminel en fuite comme Les Amants de la nuit, de Nicholas Ray, ou Gun Crazy, de Joseph Lewis, n'est pas ancré pour autant dans un romantisme de la fatalité ou de l'exaltation. Révélant Martin Sheen et Sissy Spacek, il présente une vision du monde où alternent la violence et la méditation, toujours fondée sur la relation à la nature et à l'espace américain. La splendeur visuelle s'impose d'emblée. Elle coexiste avec la dimension improbable et sujette au doute d'une narration confiée à une adolescente (Holly, interprétée par Sissy Spacek) qui ne paraît pas avoir pleine conscience du caractère sidérant et de la profonde tristesse du récit qu'elle prend en charge.

Il en est de même pour le film suivant, Les Moissons du ciel, dont l'action est elle aussi racontée par une jeune adolescente ne proposant qu'une version lacunaire d'une histoire de désir triangulaire qui sera fatale à l'un des protagonistes. Malick donne une forme de quintessence de son art dans cette œuvre située au Texas en 1916 – qui rappelle à notre mémoire Géant et À l'est d'Éden – où s'expose avec radicalité le thème « malickien » par excellence, celui de l'outrage que fait subir à la nature l'action de l'homme. Prix de la mise en scène à Cannes en 1979, le film impose définitivement son auteur comme un maître du style « cosmique », rattachant toujours l'infiniment petit (comme le montrent les plans des insectes) à la majesté des grands espaces. Mais cet idéal de beauté ne relève en rien de l'esthétisme : c'est toujours la place de l'homme dans un tel éden qui devient l'enjeu de l'intrigue comme de la réflexion.

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Écrit par

  • : professeur d'études cinématographiques et d'esthétique à l'université de Paris-Est-Marne-la-Vallée

Classification

Pour citer cet article

Marc CERISUELO. MALICK TERRENCE (1943- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LA LIGNE ROUGE (T. Malick)

    • Écrit par Michel ESTÈVE
    • 1 012 mots

    Plus de vingt ans après ses deux premiers films, La Ballade sauvage (1973) et Les Moissons du ciel (1978), le cinéaste américain Terrence Malick a réalisé La Ligne rouge (ours d'or du festival de Berlin 1999), un film remarquable sur la guerre, la nature et la condition humaine

    Librement adapté...

  • THE TREE OF LIFE (T. Malick)

    • Écrit par Michel ESTÈVE
    • 1 107 mots

    Depuis 1974, le cinéaste américain Terrence Malick n'a réalisé que quatre films : La Ballade sauvage (1974), Les Moissons du ciel (1978), La Ligne rouge (1998) et Le Nouveau Monde (2005). Chacun d'entre eux, par son ampleur, ses thèmes et ses qualités d'écriture, a retenu l'attention de la...

  • CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire

    • Écrit par Marc CERISUELO, Jean COLLET, Claude-Jean PHILIPPE
    • 21 694 mots
    • 41 médias
    ...description de l'âme américaine adoptent un registre plus grave. La grande surprise de la fin du xxe siècle dans ce domaine fut le retour au cinéma de Terrence Malick, né en 1943, près de vingt ans après la réalisation des Moissons du ciel (1978). Avec La Ligne rouge (1998) et Le Nouveau Monde (2005),...
  • PARLANT CINÉMA

    • Écrit par Michel CHION
    • 8 140 mots
    • 6 médias
    ...caractère musical sans faire chanter et danser (dans le sens officiel du mot, renvoyant à des techniques apprises) ses personnages. Les derniers films de Terrence Malick, de Tree of Life (2011) à Knight of Cups (2015), par exemple, ne sont pas officiellement des comédies musicales, mais ils comportent...
  • PARLANT (CINÉMA) - (repères chronologiques)

    • Écrit par Michel CHION
    • 3 201 mots

    1899 États-Unis. The Astor Tramp, « picture song » de Thomas Edison. Bande filmée destinée à être accompagnée d'une chanson chantée en salle (derrière l'écran) par des artistes invités.

    1900 France. Présentation par Clément Maurice du Phono-Cinéma-Théâtre à l’'Exposition universelle....

Voir aussi