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TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN

En 1941, au plus sombre de l'occupation allemande, Témoignage chrétien est né à Lyon, d'abord sous la forme de Cahiers clandestins. Il y en eut quatorze, complétés en 1943 par le Courrier français du Témoignage chrétien, qui se rapprochait de la formule du journal. Le premier Cahier eut pour auteur le père Fessard, et l'animateur du groupe fut le père Chaillet. Ils étaient tous deux, ainsi que la plupart des fondateurs, des jésuites de la faculté de théologie de Fourvière.

La raison d'être de la publication est parfaitement claire : rejeter au nom et à cause de la foi chrétienne un nazisme qui représentait une forme extrême de la violence moderne et de l'adoration de l'homme par l'homme. Le sous-titre du Courrier était, du reste, Lien du Front de résistance spirituelle. Chaque Cahier tirait à 50 000 exemplaires en 1942, quand imprimeurs, rédacteurs, diffuseurs et même lecteurs risquaient leur vie. Le Courrier tirait, quant à lui, d'abord à 100 000, puis à 200 000 exemplaires.

En 1944, Témoignage chrétien décide de poursuivre sa parution. Il estime pouvoir représenter et représente des (sinon les) chrétiens qui veulent affronter les grands changements de la fin du xxe siècle en refusant, à la fois, de les bénir béatement et de les condamner nostalgiquement. Le pari était sérieux, puisqu'en 1974 Témoignage chrétien est un des rares journaux de la Résistance qui existent encore.

Les espoirs nés de la Libération ne tardent pas à retomber. Très vite, Témoignage chrétien parlera de « révolution trahie » et se verra conduit à critiquer pour avancer. Il s'éloignera dès 1945 du Parti communiste et des « chrétiens progressistes », qui essaient de faire la synthèse entre le marxisme et le christianisme (La Quinzaine, qui fait suite à Temps présent), et combat la démocratie chrétienne qu'il juge conservatrice. Au vrai, Témoignage chrétien, qui compte 50 p. 100 d'abonnés, n'a jamais été un journal politique, au sens ordinaire du mot ; son originalité, ses mérites, ses difficultés viendront de là, et de son orientation à gauche. Ce qui l'intéresse, c'est le lien entre la foi chrétienne et l'histoire des hommes. Il prend très tôt position en faveur de l'indépendance de l'Indochine et de l'Algérie, appuie les mouvements de libération nationale, et dénonce les pratiques de torture exercées par l'armée française durant ces deux guerres coloniales. Il consacre beaucoup de temps et d'énergie à des sujets touchant la vie intérieure de l'Église catholique et des Églises chrétiennes en général : les prêtres-ouvriers, le renouveau liturgique, la transformation des paroisses, le rôle des laïcs, les sacrements. Des théologiens éminents collaborent régulièrement au journal, qui cherche à former des chrétiens responsables dans une Église au temps de Vatican II. Son rôle dans l'Église est important comme porte-parole de certains catholiques de gauche. Ses positions progressistes, tiers-mondistes et pacifistes ont parfois entraîné des frictions avec la hiérarchie de l'Église catholique. L'équilibre financier du journal a toujours été précaire, et il a dû plusieurs fois lancer des souscriptions auprès de ses lecteurs, faute, en particulier, de recettes publicitaires suffisantes. À partir des années 1980, le nombre de ses ventes baisse régulièrement. Si bien qu'après le départ forcé de son directeur, Georges Montaron, en 1996, la société éditrice de l'hebdomadaire, devenue société anonyme, est recapitalisée avec l'entrée de nouveaux actionnaires (Le Monde, Le Monde diplomatique, Bayard-Presse, et surtout l'association Nouveau Témoignage Chrétien et l'homme d'affaires fondateur du groupe Nouvelles Frontières, Jacques Maillot). À partir de 2013, Témoignage Chrétien[...]

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Pour citer cet article

Robert de MONTVALLON. TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BARTOLI HENRI (1918-2008)

    • Écrit par Universalis
    • 201 mots

    Professeur d'économie politique, ancien résistant, Juste parmi les nations, Henri Bartoli fut aussi opposant à la guerre d'Algérie, et un inlassable promoteur du développement des pays pauvres. Par conviction chrétienne et humaniste, il rejoint dans la Résistance le père Chaillet, fondateur des ...

  • MANDOUZE ANDRÉ (1916-2006)

    • Écrit par Jean-Claude PETIT
    • 871 mots

    « Debout, Messieurs, le drapeau de la barbarie flotte sur le temple de la culture. » Jeune assistant tout juste nommé, en 1942, à la faculté des lettres de Lyon, André Mandouze demandait, en ces termes, à ses étudiants d'observer une minute de silence pour marquer l'arrivée des nazis à Athènes. Tout...

  • MONTARON GEORGES (1921-1997)

    • Écrit par Christine LETEINTURIER
    • 856 mots

    Ancien directeur de l'hebdomadaire Témoignage chrétien et ancien président du Syndicat de la presse hebdomadaire parisienne (S.P.H.P.), Georges Montaron est né le 10 octobre 1921 à Paris dans un milieu modeste – son père était ouvrier imprimeur –, il fait ses études secondaires au lycée Jean-Baptiste-Say...

Voir aussi