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PLATH SYLVIA (1932-1963)

On connaît la fin tragique que Sylvia Plath s'est réservée. Mettant la tête dans le four à gaz de son appartement londonien le 11 février 1963, quelque temps après sa séparation d'avec Ted Hughes, son mari, et alors que la réussite littéraire venait d'être confirmée par la publication de son premier roman : The Bell Jar (La Cloche de détresse) en janvier de la même année, Sylvia Plath achevait brutalement sa carrière. Elle avait à peine trente et un ans et venait de passer comme un météore dans le ciel de la poésie de langue anglaise.

Romantique, Sylvia Plath le fut à son corps défendant. Romantique parce que les images de décomposition, de suicide, d'anéantissement eurent finalement raison de sa volonté lucide de les maîtriser. Mais il n'en faut pourtant pas moins dissocier la réalité de la légende. L'art de Sylvia Plath est classique par la forme. Du Colossus, son premier recueil paru à Londres en 1962 chez Heinemann jusqu'à Winter Trees, paru en 1971 chez Faber & Faber, son vers acquiert souplesse et fluidité tout en conservant la disposition typographique des strophes égales. La rime, telle qu'un remords ou une ombre allitérative, ou encore une trace rêvée, n'est pas absente, même si presque toujours fugitive. C'est à l'intérieur de la séquence prosodique beaucoup plus qu'à la fin du vers que joue l'allitération : « I am inhabited by a cry,/Nightly it flaps out/Looking, with its hooks, for something to love. » (« Je suis l'habitation d'un cri,/La nuit il bat des ailes et sort/En chasse, griffes ouvertes, d'une proie d'amour. ») Regard et griffes (look/hook), nuit et cri (night/cry) disposent stratégiquement leurs diphtongues en une structure d'écho ou de dédoublement, renforçant ainsi la ligne discursive par la couleur sonore.

Ariel, publié en 1965 chez Faber & Faber, correspond à un accomplissement qui eût sans doute été suivi d'autres étapes. Tour à tour sèche, tendue et concentrée, la « ligne » procède à l'économie, imprimant une rapidité aux sensations et aux pensées que traduisent par ailleurs l'ellipse et l'absence de verbe. Chevauchant son coursier à cru, le poète file dans l'éther comme une amazone, atteignant une allure mythique, le temps que dure l'acte de création.

Dans ce monde où les proies s'agrippent et les encolures s'étreignent, il n'y a pas de place véritable pour l'amour, et le désir est comme masqué d'un tampon de gaze. Une souffrance non feinte s'accoutume aux coupures dont elle retourne au besoin l'à-vif contre les corps masculins. Sous le tissu des peaux et des habits, la vie jaillit avec la crudité et la cruauté matérielle la plus brute, avant d'être implacablement recouverte et masquée par une grisaille plus essentielle, celle de la mort.

De la boîte, pourtant, du cercueil on s'échappe par l'humour et cette infinie distance qu'un regard clinique porte sur les choses, fleurs ou gens, entre les murs d'un hôpital. Pour cette Bostonienne d'origine autrichienne par ses parents, le puritanisme semble avoir pris la teinte des couleurs tranchées. Blanc de l'hygiène pré-mortelle, rouge des tulipes sanguines qui fleurissent dans les veines du corps : avec Sylvia Plath, l'écorché entre en poésie.

— Jacques DARRAS

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Écrit par

  • : écrivain, professeur de littérature anglo-américaine

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Pour citer cet article

Jacques DARRAS. PLATH SYLVIA (1932-1963) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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