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ROSS SCOTT (1951-1989)

Surprendre, dérouter, brouiller avec une insigne malignité le reflet de son image dans le petit monde des baroqueux, tel est manifestement le secret et délectable plaisir d'un Scott Ross qui débarque dans le xviiie siècle musical avec les plus subversives intentions. Découvert avec la longue chevelure d'un Christ « baba-cool », il disparut, le cheveu ras, avec le blouson noir des mauvais garçons. Dans son jeu la même irrévérence, la même liberté d'allure, le même goût de bousculer les académismes naissants avec une réjouissante perversité.

Scott Ross naît le ler juin 1951 à Pittsburgh (Pennsylvanie). C'est au piano qu'il s'intéresse d'abord, donnant à l'âge de cinq ans son premier récital. Mais, trés tôt, première tentative d'évasion sonore, il métamorphose avec des punaises l'instrument familial, rêvant de lui donner les couleurs du clavecin. Il a douze ans quand meurt son père et il s'établit alors en France avec sa mère. Au conservatoire de Nice (1965-1968), il s'inscrit dans la classe d'orgue de René Saorgin et dans celle de clavecin que dirige Huguette Grémy-Chauliac. Après avoir décroché son premier prix (1968), il entre au Conservatoire de Paris (1969-1971). Il travaille le clavecin avec Robert Veyron-Lacroix, la basse chiffrée avec Laurence Boulay, fréquente occasionnellement les cours d'orgue de Michel Chapuis et y pratique même la facture instrumentale du clavecin. En 1971, il remporte le premier prix au concours international de Bruges. L'année suivante, dans la classe qu'anime Kenneth Gilbert à Anvers, le Speciaal Hoger Diploma lui est décerné (1972). C'est le départ de sa carrière de concertiste et le début de son aventure discographique que ponctuent rapidement de nombreux coups d'éclat : une intégrale Rameau (1975), trente sonates de Scarlatti (1976), une intégrale Francois Couperin (1978). Parallèlement, il mène une intense activité professorale. Depuis 1973, il enseigne à l'université Laval (Québec). Les académies de musique ancienne se l'arrachent : celle d'Occitanie (1974-1980), celle de Bourgogne à Semur-en-Auxois (1980).

En collaboration avec Kenneth Gilbert, il édite les Pièces de clavecin de Jean Henri d'Anglebert et les œuvres complètes de Scarlatti. Sa discographie ne cesse de s'enrichir, à l'orgue (messes de Francois Couperin) et au clavecin, avec, notamment, le monument que constitue l'intégrale des sonates de Scarlatti, unanimement saluée par la critique européenne. La mort, qui le prend à Assas, près de Montpellier, le 14 juin 1989, ne lui aura pas laissé le temps d'étancher une curiosité toujours en éveil, ni d'achever l'exploration de la musique francaise des xviie et xviiie siècles, à qui il vouait un amour tout particulier. Témoins ses derniers enregistrements avec des œuvres d'Antonio Soler, de D'Anglebert, d'Antoine Forqueray, de Girolamo Frescobaldi, et un début d'intégrale de Bach.

Insaisissable musicien – il est capable d'accompagner au piano John Elwes dans une soirée de lieder de Schubert –, Scott Ross réussit à marier rigueur et fantaisie, style et débraillé. Son approche du répertoire – voyez ses Bach, ses Haendel – est des plus rigoureuses qui soient, construite sur les travaux musicologiques les plus précis et nourrie en profondeur par toute la richesse de la pensée philosophique du xviiie siècle. Mais quelle invention, quelle liberté dans l'œuvre de Scarlatti, qu'il ressuscite littéralement ! Une phénoménale virtuosité qui sait dissimuler sous le charme et le naturel un goût très sûr sans lequel il n'est pas de Rameau ou de Couperin qui vaille, telles sont les évidentes qualités qui ont permis au musicien d'exprimer sa fine sensibilité dans le plus vaste répertoire.

« Le caractère[...]

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Pierre BRETON. ROSS SCOTT (1951-1989) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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