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SAKOUNTALA (M.-C. Pietragalla)

Sakountala, spectacle créé en 2000 par Marie-Claude Pietragalla pour le Ballet national de Marseille, évoque, dans une grande fresque spectaculaire, la vie et l'œuvre de Camille Claudel (1864-1943). Associant la danse, les arts du cirque et le théâtre, cette création s'inscrit dans une démarche contemporaine prenant en compte la complémentarité des disciplines artistiques. Dans cet esprit, l'objectif dépasse le simple cadre de la chorégraphie et rejoint celui des « grands » spectacles populaires aux images fortes qui captent l'attention et étonnent.

Danse et cirque, l'association n'est pas nouvelle... Par le passé, l'univers du cirque a été traité dans de superbes spectacles comme Parade de Jean Cocteau – monté par les Ballets russes en 1917, d'après une chorégraphie de Léonide Massine sur une musique d'Erik Satie – ou Les Forains de Roland Petit – réalisé en 1945 sur une musique d'Henri Sauguet –, qui montrent l'un et l'autre la précarité de la vie au sein des troupes de cirques ambulants. Pour Sakountala, la rencontre est d'une autre nature. Élément scénique à part entière, le cirque est convoqué en tant qu'art au service d'un projet et garde sa spécificité technique. Trapèzes, cordes, murs d'escalade composent une scénographie impressionnante qui porte la narration ; la vie tragique de Camille Claudel, et les performances des acrobates sont là pour créer les images nécessaires à l'évocation de la folie de cette artiste. Aucun numéro n'est présent en tant que tel et chaque proposition d'acrobatie aérienne a pour origine un travail de recherche et de création réalisé en fonction des besoins du spectacle.

Cette conception particulière du numéro rejoint les aspirations de la nouvelle génération d'artistes de cirque qui, par leur polyvalence, veulent possibles toutes les ambitions de la création contemporaine. L'idée que les prouesses circassiennes ne soient plus mises en exergue en tant que telles et pour elles mêmes mais intégrées à un projet artistique semble parfaitement acceptée.

Cet état d'esprit nommé « nouveau cirque » s'est développé depuis le début des années 1990 au sein du Centre national des arts du cirque (C.N.A.C.), école professionnelle dépendant du ministère de la Culture qui a ouvert ses portes aux artistes musiciens, danseurs, metteurs en scène. Ces collaborations ont permis de développer des esthétiques nouvelles qui ont donné naissance à des spectacles « nouveau cirque » en rupture avec l'image du cirque traditionnel.

Du nom d'une sculpture emblématique de Camille Claudel, le spectacle de Pietragalla parle de l'artiste, de son enfermement et de son rapport à la matière. Sa difficulté à créer, au cœur de ses obsessions, a touché la chorégraphe. Elle la sent et la veut assaillie de toutes parts dans un espace multidimensionnel. L'idée de faire appel à des artistes aériens vient de là. Construite en séquences, selon un synopsis rigoureux écrit en collaboration avec l'historienne Jeanne Fayard, cette création retrace les grandes étapes de l'évolution de Claudel. Les artistes aériens symbolisent l'imaginaire de Claudel, tout ce qui est dans son psychisme ; les danseurs, plus terriens, imposent le réel. L'opposition ciel-terre qui en émane marque les dérèglements mentaux de l'artiste. Une question lancinante apparaît en filigrane « est-ce qu'aujourd'hui encore Camille Claudel passerait trente années enfermée dans un asile d'aliénés ? ». Les tableaux se succèdent sans donner de réponse. La voix off de Suzanne Flon donne les repères essentiels. Le spectacle oscille entre Les Portes de l'enfer de Rodin et l'extase des amants de Sakountala.

La pluridisciplinarité impose un regard neuf sur l'art du ballet. Les[...]

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Odile COUGOULE. SAKOUNTALA (M.-C. Pietragalla) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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