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PAXTON ROBERT O. (1932- )

Un lieu de mémoire

Avec son Vichy France. Old Guard and New Order, publié en 1972 aux États-Unis et traduit l'année suivante sous le titre La France de Vichy, Robert Paxton s'inscrit dans une certaine continuité. En s'appuyant sur les archives allemandes, l'historien allemand Eberhard Jäckel avait, dès 1966, insisté sur l'initiative française dans la politique de collaboration (La France dans l'Europe d'Hitler, 1968) ; la même année, Henri Michel avait puisé dans les documents de la Délégation française auprès de la commission d'armistice pour souligner, contrairement à la thèse développée par Robert Aron, qu'il y avait bien volonté, à Vichy, d'instaurer un régime autoritaire. Mais il fut le premier à fournir une œuvre à la fois approfondie et synthétique sur la politique de l'État français. Son apport principal est de l'avoir en quelque sorte « re-naturalisé », de l'avoir réintroduit dans l'espace national en montrant que, d'une part, ces nouveaux gouvernants avaient un projet politique et idéologique propre et, d'autre part, qu'ils faisaient le choix de la collaboration, scellée dès l'armistice, pour mettre en œuvre ce projet. Dans leur perspective, l'occupation n'était pas une cause, mais le symptôme d'une crise fondamentalement intérieure. Avant d'être la gestion des contraintes, la collaboration fut un choix politique d'initiative française. Paxton n'en montrait pas moins, avec finesse, la diversité des composantes du régime.

Si Gallimard regrette encore d'avoir refusé le manuscrit, le livre n'est pas passé inaperçu dans la presse et, moins encore, auprès des historiens français. Il y eut sans doute, chez certains, de la jalousie ou le sentiment qu'un Américain ne pouvait comprendre grand-chose à ce pan de l'histoire de la France sinon, comme il a été écrit, pour la salir, mais ce fut le fait d'une minorité. La France de Vichy a participé du renversement de registre mémoriel des années 1970, en même temps que Le Chagrin et la Pitié (1971), le film de Marcel Ophüls, dans la suite de la mutation culturelle et mentale de 1968. Ce livre a sans conteste été fondateur également pour toute une génération, cette école historiographique française qui s'affirme dès la décennie suivante. Pour ce qui concerne l'État plus que la société, le legs de Paxton est évident, même si les approfondissements et les compléments nécessaires sont importants. Un nouveau tournant historiographique s'esquissera dès les années 1980 sur le point aveugle de son travail, l'opinion publique, confirmé par un changement de focale, la France de Vichy faisant une place à la France sous Vichy.

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Pour citer cet article

Denis PESCHANSKI. PAXTON ROBERT O. (1932- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • OCCUPATION (FRANCE) - Mémoires et débats

    • Écrit par Laurent DOUZOU
    • 3 872 mots
    • 3 médias
    Point de Résistance sacralisée donc sur les écrans. Mais alors comment expliquer que le livre de Robert Paxton soit présenté encore aujourd'hui comme la mise à mort d'un tabou ? D'abord, parce qu'il s'agit d'une étude inédite sur l'État français, ses dirigeants et leur politique. Ensuite, parce que...

Voir aussi