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GÜIRALDES RICARDO (1886-1927)

Écrivain dont l'œuvre est un bon exemple de cette littérature hispano-américaine qui, dans le premier quart du xxe siècle, tenta de réagir contre la tyrannie du « modernisme ». Cette réaction revêtit des formes diverses : du côté des poètes, elle se manifesta par une volonté de rupture avec l'esthétisme « moderniste » et par l'imitation de l'avant-garde européenne ; du côté des romanciers, elle prit plutôt la forme d'un retour aux source. On revenait aux thèmes plus « typiquement » hispano-américains, tout en conservant cette habitude salutaire inaugurée par les modernistes d'ébranler l'espagnol sclérosé du xixe siècle afin de l'adapter à une nouvelle réalité.

Parmi les romanciers qui tentèrent une nouvelle interprétation de la terre et des mythes hispano-américains au moyen de cette langue nouvellement libérée, il faut citer le Colombien José Eustasio Rivera (La Vorágine), le Vénézuelien Rómulo Gallegos (Doña Bárbara) et l'Argentin Ricardo Güiraldes qui donna peut-être le chef-d'œuvre du genre avec Don Segundo Sombra.

La nostalgie de l'Europe — point de départ de tant de vocations littéraires en Amérique latine — fut renforcée pour Güiraldes par l'expérience vécue. Né à Buenos Aires, il fut transplanté à Paris dès l'année 1887. Il y apprit le français en même temps que l'espagnol, ce qui explique, outre le penchant qu'il devait avoir pour la littérature française, cette langue truffée de gallicismes dont il allait se servir plus tard au grand scandale des puristes. De retour à Buenos Aires, son éveil à la littérature fut assez lent, marqué par des lectures où les écrivains européens, et surtout français de la fin du xixe siècle, tenaient une grande place. Sa vie intellectuelle se doublait d'une intense activité mondaine, souvent coupée par des voyages à Paris et des séjours à San Antonio de Areco où se trouvait la grande propriété rurale des Güiraldes. En 1919, il a déjà publié trois volumes qui connaissent un échec complet : des poèmes (El Cencerro de cristal, 1915), des contes (Cuentos de muerte y de sangre, 1915) et un roman (Raucho, 1917). Sa poésie surtout — où l'on entrevoit les influences de Jules Laforgue, de Tristan Corbière et sans doute aussi de Leopoldo Lugones — est tournée en dérision par les critiques argentins.

1919 marque un tournant dans la vie de Güiraldes. Il repart pour la France. À Paris, l'amitié de Larbaud lui ouvre les portes des milieux littéraires français, notamment de la librairie d'Adrienne Monnier. Pendant ce séjour à Paris, Güiraldes finit un roman, Xaimaca, « l'analyse minutieuse, racinienne, d'un amour entre un Argentin et une Argentine qui voyagent en Amérique » (V. Larbaud), et il écrit d'affilée les dix premiers chapitres de Don Segundo Sombra. À son retour en Argentine, il travaille à la version définitive de Xaimaca ainsi qu'à son Don Segundo Sombra. Il commence ses Poemas solitarios (1928) et cherche à trouver une langue « capable de dégager l'aspect poétique, philosophique, musical et pictural d'une race qui, jusqu'à présent, ne s'est pas exprimée ». Il se lie avec Jorge Luis Borges et fonde avec lui et d'autres écrivains la revue Proa. Il publie une nouvelle, Rosaura, en 1922, Xaimaca en 1923, et en 1926, Don Segundo Sombra qui lui vaut l'accueil chaleureux et de la critique et du public.

On a souvent dit que Güiraldes était l'homme d'un seul livre, Don Segundo Sombra. Pour simpliste qu'il puisse paraître, le jugement n'est pas trop inexact. Malgré les défauts du roman — structure quelque peu relâchée, emploi d'une langue parfois trop consciente des possibilités ouvertes par le modernisme et par les écoles d'avant-garde —, Güiraldes y parvient à l'unité esthétique qu'il n'avait pas atteinte dans[...]

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Écrit par

  • : professeur à la State University of New York, Buffalo

Classification

Pour citer cet article

Sylvia MOLLOY. GÜIRALDES RICARDO (1886-1927) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • GAUCHESQUE LITTÉRATURE

    • Écrit par Universalis
    • 300 mots

    Genre poétique hispano-américain qui imite les payadas (ballades que chantaient traditionnellement, sur accompagnement de guitare, les gauchos errants en Argentine et en Uruguay). Le terme inclut, par extension, le fonds littéraire sud-américain qui traite du mode de vie et des conceptions des...

Voir aussi