Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

RADIOACTIVITÉ EXOTIQUE ou RADIOACTIVITÉ PAR IONS LOURDS

Les différentes étapes de la découverte de l'émission d'agrégats

L'expérience qui a permis à Rose et Jones de découvrir ce nouveau mode de désintégration par émission de carbone 14 n'a fait appel à aucune instrumentation lourde. Ces chercheurs ont décidé de mesurer avec un compteur, dit compteur télescope, les particules de haute énergie qui pourraient accompagner la désintégration de l'actinium 227, produit de filiation de l'uranium 235 naturel. Dans ce compteur télescope, le premier détecteur, en silicium mince (8 micromètres d'épaisseur), est traversé par les particules chargées qui y perdent une partie de leur énergie, dépendant du numéro atomique de la particule. Le second compteur en silicium possède une épaisseur suffisante (0,5 mm) pour stopper complètement toutes ces particules qui y déposent leur énergie restante. Les détecteurs produisent des signaux proportionnels à l'énergie abandonnée dans chacun d'eux. Le traitement de ces signaux analysant la perte d'énergie en fonction de l'énergie totale permet d'identifier des ions lourds malgré un bruit de fond important constitué par les particules α.

Deux expériences furent menées par Rose et Jones, d'une durée de six mois chacune. Dans l'une d'elle, onze ions de 30 mégaélectronvolts d'énergie furent enregistrés dans les détecteurs. Les deux chercheurs concluèrent qu'ils étaient en présence d'une nouvelle radioactivité dans laquelle le radium 223, présent dans le mélange et généré par l'actinium 227, émettait un fragment lourd, le carbone 14, laissant un noyau résiduel de plomb 209. Ils déterminèrent que la probabilité d'émission d'un ion de carbone 14 n'était que de l'ordre d'un milliardième par rapport à l'émission de particules α. La rareté de ce phénomène explique que cette radioactivité ait été découverte si tardivement.

Détection du carbone 14 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Détection du carbone 14

On décida de vérifier ce phénomène dans quelques grands laboratoires de physique nucléaire, en France (Orsay), aux États-Unis (Berkeley, Argonne) et à Moscou. À l'Institut de physique nucléaire d'Orsay, une méthode originale fut proposée : elle consistait à trier les ions lourds émis (à partir d'un échantillon de 227Ac) au sein d'un bruit de fond de plusieurs milliards de particules α, en les focalisant sur le détecteur au moyen d'un champ magnétique intense développé par le spectromètre magnétique à solénoïde supraconducteur Soléno. En cinq jours, les physiciens d'Orsay enregistrèrent onze ions, d'énergie 29 MeV, attribués sans ambiguïté à des carbone 14 de charge 6+, d'après l'énergie laissée dans les détecteurs du compteur télescope ; simultanément, plus de 20 milliards de particules α avaient été émises dans le même angle de détection. En outre, l'énergie cinétique mesurée pour les ions 14C concordait parfaitement avec la valeur prévue par le calcul où l'on admet que dans la désintégration du radium 223 (223Ra → 209Pb + 14C) l'ion 14C emporte sous forme d'énergie cinétique E une partie du défaut de masse créé par cette désintégration, dont la valeur est calculée d'après la relation d'Einstein, ΔE = Δmc2 (où m est la masse et c la vitesse de la lumière).

Détection des radioactivités exotiques en ligne auprès du synchrotron du Cern - crédits : Encyclopædia Universalis France

Détection des radioactivités exotiques en ligne auprès du synchrotron du Cern

Les autres expériences réalisées à Moscou et au laboratoire d'Argonne ont confirmé l'existence de ce mode de désintégration exceptionnel du 223Ra. Par ailleurs, une équipe de Berkeley, dirigée par B. Price, a détecté l'émission d'ions lourds par exposition directe de feuilles de matériaux organiques aux radioéléments considérés. Ces feuilles de plastique (polycarbonates) ont la propriété d'être insensibles à l'ionisation par les particules α (Z = 2), mais sont sensibles aux ions lourds de[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur du laboratoire de radiochimie, Université de Nice Sophia-Antipolis, Nice.

Classification

Pour citer cet article

Gérard ARDISSON. RADIOACTIVITÉ EXOTIQUE ou RADIOACTIVITÉ PAR IONS LOURDS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Détection du carbone 14 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Détection du carbone 14

Détection des radioactivités exotiques en ligne auprès du synchrotron du Cern - crédits : Encyclopædia Universalis France

Détection des radioactivités exotiques en ligne auprès du synchrotron du Cern

Origine des raies de structure fine dans le spectre d'émission <sup>14</sup>C du <sup>223</sup>Ra - crédits : Encyclopædia Universalis France

Origine des raies de structure fine dans le spectre d'émission 14C du 223Ra

Voir aussi