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QUESTIONS DE MÉTHODE EN HISTOIRE DE L'ART, Otto Pächt Fiche de lecture

Limites de l'iconographie, actualité du formalisme

Le regard aigu porté sur les œuvres et sur leur structure se double chez Pächt d'une critique sans concession des méthodes concurrentes. C'est la faiblesse du système de la preuve chez les connaisseurs qui conduit Pächt à opposer sa propre méthode à l'intuitionnisme habillé de scientisme de Giovanni Morelli, lequel, en bon lecteur de Cuvier, pensait « reconnaître le lion à partir de la griffe ». Il est vrai que, dans certaines de ses attributions, en particulier celle du Portrait de Gonella (Kunsthistorischesmuseum, Vienne) qu'il fut le premier à donner à Jean Fouquet, Pächt avait articulé d'une manière assez fructueuse les indices de type « morellien » au dévoilement du schéma d'organisation globale qui trahissait selon lui, dans cette œuvre, une manière spécifiquement française.

Autre cible de Pächt : l'histoire de l'art de Gombrich, en ce qu'elle séparerait trop radicalement les symboles de la représentation effective, et surtout dans sa tendance à transformer les œuvres d'art en « mosaïques d'emblèmes ». La sévérité d'Otto Pächt à l'égard de l'iconologie, conquérante à l'époque où il écrit, apparaissait déjà dans une formule lapidaire prononcée en 1964 : « de l'histoire de l'art pour les aveugles ». Revenant sur les « limites de l'iconographie », il réaffirme, en s'appuyant sur un autre formaliste de sa génération, Wilhelm Pinder, l'autonomie parfaite de l'art, et le refus de chercher les significations « derrière l'image, mais dans l'image ». Dans les derniers chapitres de son exposé, qui sont sans doute les plus riches d'implications épistémologiques, Pächt cherche alors à caractériser les pratiques élémentaires qui fonderaient le métier de l'historien de l'art, tel qu'il le conçoit. Comparer et différencier, c'est-à-dire faire ressortir, par la confrontation visuelle, le caractère individuel d'une œuvre ou les constantes des processus historiques. Ensuite, décrire, ce qui revient selon Pächt à transposer des valeurs et des structures d'une sphère d'expression à une autre, en ne gardant en vue que la « chose d'art », qui est, Pächt y insiste, l'« objet authentique » de la description. Dans cette tâche, l'iconographie doit se contenter d'être une instance de contrôle dans le processus de la description. Établir des filiations entre les artistes ou, sur la longue durée, des lois de « dérive » des phénomènes artistiques est une autre tâche, infiniment délicate, mais essentielle. Contre Gombrich une nouvelle fois, qui avait mis à nu les attendus idéologiques des vieux schémas évolutionnistes, Pächt note que la pratique même de la datation fait fatalement resurgir la question de l'évolution des formes. Enfin la « tâche historique de l'artiste », parce qu'elle est à l'articulation de l'évolution individuelle d'un style et de son évolution globale, constitue le véritable objet de l'histoire de l'art. Celle qu'Otto Pächt avait pratiquée avec bonheur toute sa vie, mais dont la structure conceptuelle n'avait guère varié pour lui.

— François-René MARTIN

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Écrit par

  • : ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, chargé de cours à l'École du Louvre

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Pour citer cet article

François-René MARTIN. QUESTIONS DE MÉTHODE EN HISTOIRE DE L'ART, Otto Pächt - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009