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REVERDY PIERRE (1889-1960)

André Breton, Francis Ponge et Pierre Reverdy - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

André Breton, Francis Ponge et Pierre Reverdy

Le titre du recueil dans lequel Reverdy réunit en 1949 les poèmes écrits au long de plus de trente années (1913-1949), Maind'œuvre, révèle le secret profond du poète et de son originalité. Voici en effet un poète, au sens authentique et étymologique, d'abord un manouvrier du verbe. N'était-il pas issu d'une lignée d'artisans languedociens, manouvriers de la pierre et du bois dans cette Montagne Noire où nature et solitude se joignent en un accord à la fois pathétique et serein ? Un autre recueil a pour titre Grande Nature (1925). Deux pôles d'une poésie essentielle : le verbe à travailler et à sculpter pour produire un univers de formes symboliquement accordées aux mystères du monde et à ceux de la conscience ; et la nature à contempler dans la solitude, à réinventer dans la contemplation pour authentifier le rêve et consolider l'imaginaire. En un mot, obsession de l'accord entre l'art et la vie : « L'art pour l'art ; la vie pour la vie, deux points morts. Il faut à chacun l'illusion des buts et des raisons. L'art par et pour la vie, la vie pour et par l'art. »

De la révolte à la nature

Il y eut bien l'âge de la révolte, au temps où le jeune Pierre Reverdy, trop sensible à la pesanteur d'un monde qui est cage et prison, plutôt que nature, tente de se servir de la poésie pour en briser les barreaux. Venu de Narbonne – où il était né le 13 septembre 1889 – à Paris, en 1910, le voici à Montmartre, dans cette rue Ravignan immortalisée par Max Jacob, engagé dans la « merveilleuse aventure » du Bateau-Lavoir. Lorsqu'en 1917 il fonde sa revue Nord-Sud, il précède et annonce le surréalisme qui le consacrera bientôt comme un des siens. C'est le temps de La Guitare endormie (1919). Mais, déjà, Étoiles peintes (1921) et, plus encore, LesÉpaves du ciel (1924) s'éloignent de la révolte pure : Reverdy ne sera pas un nouveau Lautréamont ; la poésie cesse d'être un moyen, elle devient une fin, elle retrouve un objet spirituel, elle démontre sa propre raison d'être, qui est bien de rejoindre la vie – celle des profondeurs – par l'intimité quotidienne avec les secrets de la nature et de sa vérité.

Pour cette fin, il fallait un acte poétique et vital, une conversion de la vie pour que se fonde la juste orientation de la poésie, un acte de double retour à la vérité de la nature et à la vérité de la conscience ; un acte de silence, enfin, pour fonder la pureté de la parole, et... « il ne faut pas aller trop vite / Crainte de tout casser en faisant trop de bruit » (« Sur la pointe des pieds », Sources du vent, 1929).

En 1926, le poète quitte Paris où il ne sera plus que très brièvement de passage. Il s'installe à Solesmes, à l'ombre de la célèbre abbaye bénédictine, un peu comme Max Jacob à Saint-Benoît-sur-Loire ; avec cependant cette différence qu'il n'y a pas eu, semble-t-il, pour Reverdy, de « conversion » au sens religieux du terme, plutôt une conversion poétique.

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres, docteur ès lettres

Classification

Pour citer cet article

Henri LEMAÎTRE. REVERDY PIERRE (1889-1960) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

André Breton, Francis Ponge et Pierre Reverdy - crédits : Keystone-France/ Gamma-Rapho/ Getty Images

André Breton, Francis Ponge et Pierre Reverdy

Autres références

  • PLUPART DU TEMPS, Pierre Reverdy - Fiche de lecture

    • Écrit par Pierre VILAR
    • 988 mots

    Lorsque Pierre Reverdy (1889-1960) réunit en 1945 aux éditions Gallimard un ensemble de ses poèmes parus entre 1915 et 1922, après les avoir un à un relus, corrigés et définitivement établis – selon la terminologie d'usage qui prend ici un sens plus précis et presque testamentaire –, il les fait précéder...

  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...s'est lamenté sur la mort de l'amour et de l'amitié, la solitude morale, la vanité de toute tentative pour sortir de soi, avec des accents romantiques. Pierre Reverdy, le moins porté aux effusions des poètes de ce siècle, a plusieurs fois constaté l'impossibilité de n'être pas romantique. « On a voulu...
  • LITTÉRATURE FRANÇAISE DU XXe SIÈCLE

    • Écrit par Dominique RABATÉ
    • 7 278 mots
    • 13 médias
    ...page qui marque la modernité des Calligrammes (1918) d’Apollinaire. Commence une longue collaboration entre peintres et poètes, notamment celle de Pierre Reverdy (188-1960) avec Picasso pour Le Chant des morts (1948). Mais c’est la définition même de la poésie qui vacille chez les dissidents du surréalisme....

Voir aussi