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LEYRIS PIERRE (1907-2001)

Traducteur prolifique (on estime qu'il a signé la traduction d'une centaine d'ouvrages), Pierre Leyris fut aussi l'introducteur en France d'auteurs réputés difficiles – voire, comme Gerard Manley Hopkins, « intraduisibles » – et, parallèlement à ses traductions d'œuvres classiques – les Œuvres complètes de Shakespeare dont il dirigea, au Club français du livre, une édition bilingue qui reste de référence, les écrits majeurs de William Blake, Herman Melville, Thomas de Quincey, Charles Dickens, T. S. Eliot ou W. B. Yeats, parmi beaucoup d'autres –, d'écrivains au rayonnement plus confidentiel comme Kathleen Raine, Stephen Crane, Djuna Barnes, John Clare, Arthur Symons ou Jean Rhys, souvent révélés aux lecteurs français dans la collection Le Domaine anglais qu'il avait créée au Mercure de France.

Né en 1907 à Ermont (Val-d'Oise), Pierre Leyris fit ses études au lycée Janson-de-Sailly où il eut entre autres pour condisciple Pierre Klossowski, avec qui il demeura lié, et le peintre Balthus. Puis, « quand le temps fut venu – vers 1930 – de gagner sa vie », lit-on dans la Postface aux Contes du Wessex de Thomas Hardy, traduits avec Antoine Jaccottet (1995), « il s'avisa qu'apprendre l'anglais, le lire et le traduire étaient déjà pour lui trois choses qui ne faisaient qu'une. Elles le sont restées dans une grande mesure, surtout en poésie... ». Entre la première version française de Billy Budd, gabier de misaine de Herman Melville (1935) et celle des Écrits prophétiques des dernières années de William Blake (2000) s'inscrit ainsi un parcours exemplaire, couronné par le grand prix national de la traduction en 1985, jalonné d'amitiés décisives (avec Brice Parain, Henri Thomas, Charles-Albert Cingria qu'il fit connaître à Jean Paulhan et publier dans la N.R.F., André Dhôtel, Henri Michaux, ou encore, parmi les contemporains, Philippe Jaccottet et Pierre Pachet), et qui sut, à l'occasion, déborder le cadre strictement anglophone pour offrir, en collaboration, des traductions de Lao-Tseu, Cavafy, Michel-Ange, Goethe ou Sophocle. Au-delà de cet apport dont l'ampleur impressionne par sa pertinence et sa générosité, il convient de prendre aussi la mesure d'une œuvre forte d'essayiste, déguisée en présentations ou postfaces pénétrantes dont chacune dénote une connaissance à la fois intime et encyclopédique, fraternelle dans son humilité même, de l'œuvre et de l'auteur traduits. Ce travail de découvreur (il fut l'un des tout premiers à traduire Emily Dickinson à une époque où elle était encore totalement inconnue en France), Pierre Leyris y associa en leur temps nombre de revues parmi les plus prestigieuses de l'avant-guerre (Mesures, N.R.F.), ou qui allaient marquer le paysage littéraire de l'après-guerre et des années 1970 (84, Argile, L'Éphémère, Po&sie...). De la même façon qu'il n'hésitait pas à revoir et à refondre entièrement des traductions anciennes, il s'attacha parfois à rassembler ces collaborations éparses, ainsi qu'en témoignent son Esquisse d'une anthologie de la poésie américaine du XIXe siècle (1995) ou celle encorequ'il a consacrée à des poètes anglais de prédilection. Vers la fin de sa vie, déjouant les interdits d'une autocensure qui, à l'exception de quelques textes de jeunesse et poèmes parfois publiés sous pseudonyme, avait inhibé l'expression personnelle pour mobiliser au service de la sensibilité d'autrui toutes les ressources de la sienne propre, qui était grande, il se consacra tout entier à la rédaction d'un journal non daté (Pour mémoire, 2002), chronique tour à tour inquiète, chercheuse et émerveillée d'une vie resongée. Pierre Leyris, qui s'exprimait peu volontiers sur son art, préférant aux[...]

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Gilles ORTLIEB. LEYRIS PIERRE (1907-2001) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )