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PAUL KLEE. L'IRONIE À L'OEUVRE (exposition)

Enfin ! Telle pouvait être la réaction à l’annonce d’une exposition monographique d’envergure consacrée à Paul Klee, attendue depuis bien longtemps à Paris. Présentée par le Centre Georges-Pompidou du 6 avril au 1er août 2016, Paul Klee. L’ironie à l’œuvre se targuait d’ouvrir de nouvelles perspectives, consacrant un créateur incomparable dont la fortune critique demeure étrangement indécise en France. Plus de deux cents travaux présentés à cette occasion, c’était beaucoup et peu à la fois, eu égard à un œuvre dont les enjeux comme l’ampleur (autour de 9 500 pièces, selon les estimations) s’imposent, exceptionnels.

L’image comme symptôme

Si le registre des sujets impressionne, le répertoire des « formants » et des procédures activées par Paul Klee varie à l’infini : supports, subjectiles, médiums et pigments de toute nature ; collages, découpes, superpositions, enfouissements, récupérations… Ils marquent cet œuvre au premier chef : inhérents à la construction, ils induisent au surplus une part non réductible du sens. Ainsi, celui que ses collègues du Bauhaus qualifiaient de « Bouddha » aura frotté d’innombrables stratégies figuratives à sa culture multiforme autant qu’universelle, faisant imploser les concepts les mieux institués d’« image » ou de « représentation », auxquels il substitue la polyphonie inédite du sichtbarmachen– « rendre visible ». Toute une philosophie.

On ne saurait d’ailleurs séparer de sa création proprement visuelle les innombrables écrits de Klee : son Journal, ses textes théoriques ou poétiques, ainsi que ses notes de cours ; sans omettre l’éclairage familier qu’apporte son abondante correspondance. Toujours dans l’ordre du lisible mais à la suture du visible, souvent inscrits dans le corps même de l’œuvre, les titres déclinent une stratégie sémantique inédite.

Or, selon Klee, les deux composantes iconique et linguistique procèdent d’un « enracinement commun ». Lui-même invite le regardant à un « voyage au pays de meilleure connaissance », considérant que « la genèse est l’essentiel de l’œuvre ». Une stratégie exigeante, qui peut s’avérer d’une grande complexité.

<em>Rayé de la liste</em>, P. Klee - crédits : AKG-images

Rayé de la liste, P. Klee

Dès lors, comment illustrer et transmettre une telle abondance de contenus ? Placé sous le signe de l’« ironie » par Angela Lampe, commissaire de l’exposition, le projet s’imposait par là même de multiples contraintes, notamment éviter que l’essentiel des significations ne soit masqué par une approche trop manifeste et fatalement réductrice. Mais l’arbre cache aisément la forêt. Il aurait déjà fallu veiller impérativement à ce que la notion d’ironie soit déployée selon ses champs tant lexical que sémantique : humour, distance, masque, ellipse et « principe économique » de plaisir, en évitant d’enfermer Klee dans une référence quasi exclusive à Friedrich Schlegel et au romantisme allemand. En fin de compte, le parcours de l’exposition suivait tout bonnement la chronologie, séquencée selon des rubriques qu’il fallait bien justifier au fil des œuvres : depuis les Inventions (1905), les illustrations pour le Candide de Voltaire (1911-1912), jusqu’àla protestation véhémente de Rayé de la liste (1933) et le spectaculaire et poignant Insula dulcamara (1938), une bouteille à la mer, signe et présage d’adieu.

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, président du centre de recherche Pierre-Francastel

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Pour citer cet article

Claude FRONTISI. PAUL KLEE. L'IRONIE À L'OEUVRE (exposition) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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<em>Rayé de la liste</em>, P. Klee - crédits : AKG-images

Rayé de la liste, P. Klee

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