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PARTIS POLITIQUES Fonctionnement

Électeurs, électorats

En mettant l'accent sur « l'entreprise des intéressés » plus que sur la communauté que formeraient professionnels de la sociation partisane et leurs profanes, on considère que les électeurs ne sont pas partie prenante directement des relations partisanes : ils ne participent pas à la compétition-coopération qui est au principe des luttes intra-partisanes. À l'inverse, l'approche américaine, reprise dans certains travaux européens, relève la tripartition des partis et consacre une part de ses développements au party in the electorate qui paraît d'autant plus nécessaire à la définition du parti politique : un parti sans électeur serait une secte et la frontière entre le dedans et le dehors partisans est très fluide, particulièrement aux États-Unis où le formatage étatique des partis par le système des primaires rend incongru la notion même d'adhérent. En effet, entre les diverses instances décisionnelles et les sympathisants enregistrés pour voter lors des élections primaires, il n'y a guère de place pour des adhérents régulièrement encartés.

Le poids des électeurs

Les électeurs importent puisque, pour les partis actuels, ils sont un élément essentiel de la mesure de leur poids politique, plus encore que les adhérents. Dans une vision brutalement schumpétérienne, ils départagent les entreprises concurrentes sur le marché électoral.

Ils importent quantitativement : la perte d'une élection peut impliquer la mise en question du rapport des forces internes à un parti (démission, départs, scission, appel à refondation). La direction perdante peut se maintenir en imposant un autre commentaire des chiffres. L'importance accordée aux résultats peut être très différente selon la place du parti dans le champ politique. Ils importent qualitativement : l'agrégation des votes et leur cristallisation en électorats (sur un territoire, les « fiefs » et selon des critères socio-démographiques et des échelles d'attitudes politiques) peuvent donner lieu à des débats savants (de la « catch-allisation » des partis à la « décongélation des clivages ») et/ou politiciens concernant l'adéquation entre ce que prétend représenter le parti, ce qu'il est au travers de ses militants, de ses dirigeants et de son programme, au regard de sa « base » électorale. Un parti « socialiste » perdant sa base ouvrière, un parti « de rassemblement » implanté majoritairement dans des quartiers bourgeois, un parti « réformiste » dont les militants sont partisans de solutions bien plus radicales que ses électeurs.

Les électeurs importent enfin, sur le long terme démocratique, comme garants de la rectitude de l'échange politique et électoral et de la confiance qu'ils confèrent dans ce processus à la médiation partisane. Les indicateurs convoqués ne manquent pas pour démontrer que les partis politiques sont parmi les institutions de la démocratie qui recueillent le moins de confiance, que les taux d'identifications partisanes ou de proximité partisane sont en baisse, que les réalignements électoraux se produisent, que la volatilité électorale, l'abstention, le vote-sanction et la décision électorale tardive sont en croissance depuis plusieurs décennies, même dans les démocraties occidentales dans lesquelles le champ interpartisan est bien stabilisé.

D'où les tentations et les tentatives des responsables partisans de « réenchanter » et remotiver la démocratie, non seulement en retravaillant les procédures internes centrées sur la valeur accordée au militantisme, mais aussi en revalorisant la figure du citoyen-électeur comme opinion agissante, maître des sondages et cible de la proximité retrouvée du lien politique. Les électeurs-citoyens sont constamment convoqués dans les discours de représentation et de légitimation des responsables partisans.[...]

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Écrit par

  • : professeur de sciences politique, université de Paris-I, Centre de recherches politiques de la Sorbonne, Laboratoire de sciences sociales de l'École normale supérieure

Classification

Pour citer cet article

Michel OFFERLÉ. PARTIS POLITIQUES - Fonctionnement [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ABSTENTIONNISME

    • Écrit par Daniel GAXIE
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    • 3 médias
    Si des citoyens se rendent dans les bureaux de vote, c'est aussi parce qu'ils y ont été incités (Steven J. Rosenstone et John Mark Hansen). Les partis, les militants, les mouvements sociaux et des groupes d'intérêts déploient beaucoup d'énergie pour mobiliser les citoyens. Les candidats cherchent...
  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D' ou AFRIQUE DU SUD

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Universalis, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
    • 29 784 mots
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    ...voix. Depuis sa légalisation, l'ANC, comme la plupart des organisations politiques du pays, s'est progressivement transformé de mouvement de libération en parti politique, en poursuivant une véritable révolution organisationnelle accompagnée d'une modification profonde de la composition sociale de ses militants...
  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République fédérale d'Allemagne jusqu'à la réunification

    • Écrit par Alfred GROSSER, Henri MÉNUDIER
    • 16 391 mots
    • 10 médias
    « 1. Les partis concourent à la formation de la volonté politique du peuple. Leur fondation est libre. Leur organisation interne doit être conforme aux principes démocratiques. Ils doivent rendre compte publiquement de la provenance de leurs ressources.
  • ALLEMAGNE - Les institutions

    • Écrit par Stéphane SCHOTT
    • 4 249 mots
    ...présentées dans chacun des seize Länder. Pour participer à la répartition des sièges par le biais de la seconde voix, qui se déroule à la proportionnelle, un parti politique doit avoir obtenu au moins 5 p. 100 des suffrages exprimés à l’échelon fédéral ou remporté 3 mandats directs par le biais de la première...
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Voir aussi