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NOLDE EMIL (1867-1956)

D'origine humble, formé non dans les arts nobles mais dans les arts appliqués, Emil Nolde se pose d'emblée comme un rebelle. Rejetant dogmes et conventions picturales, dégoûté par les affèteries et les artifices, il se laisse porter uniquement par ce qu'il éprouve au fond de lui-même, décide de n'exprimer que ce qui correspond à son tempérament. Il excelle dans la gravure sur bois, moyen de se battre avec une matière originelle et avec les éléments essentiels que sont l'ombre et la lumière. Mais il se révéle vraiment par l'aquarelle, qui lui permet d'extérioriser ses impressions subjectives avec l'audace la plus effrénée dans les couleurs. Il refuse, en effet, d'impliquer tout « savoir » dans l'acte de création, considérant que la « science » n'ouvre qu'à une connaissance partielle de la réalité. L'art, qu'il veut en communion avec le cosmos, est pour lui le lieu d'élection de la liberté. Il écrit dans une lettre à l'un de ses amis, en 1926 : « C'est derrière des murs que vit l'artiste, dans l'intemporel, rarement à prendre l'air, souvent dans sa coquille d'escargot. »

Nature et religiosité

Nolde n'est pas le patronyme d'origine du peintre allemand qui, sous ce nom, a conquis la célébrité. Il emprunte ce pseudonyme au village où il est né le 7 août 1867, dans le Schleswig du Nord, près de Tondern, à la frontière de l'Allemagne et du Danemark, sur un territoire devenu danois au lendemain de la Première Guerre mondiale. Il s'appelait Emil Hansen. En 1902, après son mariage avec Ada Vilstrup, actrice danoise qu'il a connue à Copenhague, il décide de changer d'identité. Il choisit et officialise tardivement le nom de Nolde, comme pour s'inscrire dans une existence nouvelle, à un moment où il souhaite opter définitivement, après cinq ans d'incertitude, pour une carrière d'artiste.

D'une famille de paysans de religion protestante, il est marqué par la piété du monde rural qui l'environne et par la lecture régulière de la Bible. Dans son enfance, a-t-il indiqué, sa découverte de bois peints qui illustraient des scènes bibliques est pour lui l'occasion d'éprouver une sorte de « miracle mystique ». En outre, amené à vivre dans une contrée aux paysages rudes, il se montre sensible à l'inévitable communion de l'homme avec les forces cosmiques. Nature et religiosité ont ainsi déterminé, selon son propre constat, les ferments de sa vocation.

Après un apprentissage d'ébéniste, il étudie les arts appliqués à Munich et à Carlsruhe en 1888-1889, puis travaille dans une fabrique de meubles de Berlin. À la fin de 1891, il trouve un poste d'enseignant au musée de l'Industrie et de l'Artisanat de Saint-Gall, en Suisse, où il reste jusqu'à l'été 1898. Durant cette période, il s'essaie au dessin et à la peinture, exécutant son premier tableau à l'âge de vingt-neuf ans. Grâce à sa représentation, sur un mode fantastique, de paysages et de personnages de montagne, publiés dans la revue Jugend, porte-parole du courant de l'Art nouveau, et qui sont ensuite édités en cartes postales, il obtient des gains financiers suffisamment consistants pour pouvoir à s'adonner exclusivement à l'élaboration d'une œuvre artistique.

En 1899, il part pour Paris, où il s'installe neuf mois, soucieux de s'imprégner des orientations de la peinture européenne d'avant-garde. Influencé par l'impressionnisme, et plus précisément par Manet, il s'en retourne dans sa région natale pour tenter de traduire avec lyrisme ses perceptions de la nature et les visions qu'elle suscite en lui. Les vues de mer, le ciel et ses nuages, la forêt et sa faune mystérieuse, les jardins et leur flore deviennent ses thèmes de prédilection.[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire des Universités
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Universalis et Lionel RICHARD. NOLDE EMIL (1867-1956) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • EMIL NOLDE (exposition)

    • Écrit par Lionel RICHARD
    • 1 038 mots

    La rétrospective Emil Nolde (1867-1956), présentée successivement au Grand Palais, à Paris, du 25 septembre 2008 au 19 janvier 2009, et au musée Fabre de Montpellier, du 7 février au 24 mai 2009 aura été une véritable révélation. Jusque-là, le public français n'avait pu avoir une connaissance approfondie...

  • BRÜCKE DIE

    • Écrit par Étiennette GASSER
    • 3 347 mots
    • 3 médias
    Initié à la gravure sur bois au temps de sa brève association avec la Brücke (1906-1907), Hansen, dit Nolde (1867-1956), s'y distinguera. Les contacts de Dresde le confirment dans sa voie et, farouchement indépendant, il s'oriente vers un art très personnel.
  • EXPRESSIONNISME

    • Écrit par Jérôme BINDÉ, Lotte H. EISNER, Lionel RICHARD
    • 12 621 mots
    • 10 médias
    ...l'impressionnisme est un élément constitutif des tendances nouvelles, comme l'a mis en évidence, deux ans auparavant, une polémique dans Kunst und Künstler. Deux dessins d'Emil Nolde y sont publiés, sans qu'il en ait été auparavant informé, à l'occasion de l'exposition d'art graphique de la Nouvelle Sécession...
  • KIRCHNER ERNST LUDWIG (1880-1938)

    • Écrit par Lionel RICHARD
    • 2 172 mots
    • 6 médias
    ...seulement, et publié le 9 octobre 1906 dans un journal régional. Dans les mois précédents, trois membres supplémentaires ont été associés au groupe : Emil Nolde (1867-1956), Max Pechstein (1881-1955) et Cuno Amiet (1868-1961). En octobre 1906 a lieu une deuxième exposition, comprenant surtout des gravures...

Voir aussi