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JERNE NIELS KAJ (1911-1994)

Né à Londres en 1911 de parents danois originaires du Jutland, Niels Kaj Jerne, Prix Nobel de médecine en 1984, membre associé étranger de l'Académie des sciences, a été l'un des immunologistes les plus éminents de la seconde moitié du xxe siècle. Son œuvre théorique et expérimentale, dont la portée heuristique a été considérable, s'inscrit essentiellement dans la problématique des mécanismes fondamentaux de la synthèse des anticorps et de sa régulation. Elle a grandement contribué aux extraordinaires progrès de l'immunologie dans les années 1960 et 1970.

Après ses études secondaires, Niels Jerne s'inscrit à l'université de Leyde, puis à celle de Copenhague où il obtient son doctorat de médecine en 1951. Attiré très tôt par la recherche, il devait travailler de 1943 à 1954 au Statens Seruminstitute de Copenhague où il prépara sa thèse de doctorat ès sciences sur l'avidité des anticorps, fondée sur l'étude physico-chimique et mathématique rigoureuse de l'interaction de la toxine diphtérique avec les anticorps homologues. Véritable modèle du genre, ce travail reste jusqu'à présent l'une des plus remarquables études de l'immunochimie quantitative, dont la démarche logique annonce le grand théoricien que deviendra Niels Jerne dans ce domaine. En effet, dès 1955, lors d'un séjour au California Institute of Technology, il élabore son premier travail théorique relatif à la production des anticorps. De retour des États-Unis, Niels Jerne rejoint l'O.M.S. à Genève, puis occupe de 1960 à 1962 la chaire de biophysique de l'université de cette ville, avant de diriger pendant quatre ans le département de microbiologie de l'université de Pittsburgh. En 1966, il assume la direction de l'institut Paul-Ehrlich à Francfort et fonde en 1969 l'institut d'immunologie de Bâle dont il est le premier directeur. Sous son impulsion, l'institut devient l'un des centres les plus prestigieux de la recherche immunologique mondiale (trois prix Nobel en dix ans). Élu membre de la Royal Society en 1980, Niels Jerne quitte Bâle et s'installe à Paris où l'Institut Pasteur lui offre un poste de professeur. Il y travaille pendant un an avant de prendre sa retraite dans le Gard, où il s'éteint le 7 octobre 1994 à l'âge de quatre-vingt-trois ans.

La première contribution théorique de Niels Jerne, dite de la “sélection naturelle de la formation des anticorps”, formulée en 1955, concerne le problème du répertoire, c'est-à-dire l'origine de la diversité des anticorps (immunoglobulines). En effet, chaque individu peut être confronté à des millions d'antigènes (de l'ordre de 107-108) possibles et, de ce fait, il possède la capacité de synthétiser le nombre quasi astronomique équivalent d'anticorps spécifiques. On conçoit immédiatement que, contrairement à toutes les autres protéines de l'organisme, les 108 molécules d'immunoglobulines (Ig) ne peuvent être individuellement codées par autant de gènes distincts, étant donné que le nombre des gènes de structure chez l'homme ne dépasse pas quelques dizaines de milliers. En raison de cette difficulté génétique insurmontable, et pour d'autres causes, la quasi-totalité des immunologistes avait adhéré, durant la première moitié du xxe siècle, aux théories “informatives” d'essence lamarckienne. Celles-ci prédisaient que l'antigène apporte au système immunitaire une “information structurale” capable de “façonner” les molécules d'Ig en leur conférant la structure complémentaire appropriée (spécificité vis-à-vis de l'antigène) à la manière d'un moule. Avec l'avènement de la biologie moléculaire vers les années 1950 et l'établissement du rôle codant de l'ADN (gènes) pour la[...]

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Écrit par

  • : membre titulaire de l'Académie nationale de pharmacie, professeur honoraire à l'Institut Pasteur, Paris, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., professeur à l'Institut Pasteur de Lille

Classification

Autres références

  • SOI ET NON-SOI, immunologie

    • Écrit par
    • 1 360 mots
    Selon la théorie de la sélection naturelle de la formation des anticorps, proposée par Niels Jerne en 1955, les anticorps préexistaient à l'inoculation de la substance étrangère, appelée antigène. Mais, en l'absence d'antigène, ils étaient présents en faible quantité. L'antigène induirait non pas la...