Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NARVAL

Les différentes fonctions attribuées à la défense des narvals

Pour bien des auteurs, la défense du narval est une arme offensive. Aujourd’hui encore les documentaires qui racontent la vie de ces animaux montrent des scènes de robustes mâles se livrant, semble-t-il, à des duels au ras des vagues.

Charles Darwin et Jules Verne se sont tous deux intéressés au rôle que pouvait jouer cette défense. Ils concluent qu’elle assure un avantage sélectif aux plus forts. Dans La Filiation de l’homme et la sélection liée au sexe (1871), Darwin suggère, mais avec prudence, que c’est une arme offensive, se référant pour cela aux écrits de Robert Brown, son collègue de la Royal Society. De son côté, Jules Verne dans Vingt Mille Lieues sous les mers (1869) rapporte la surprise du professeur Aronnax qui voit son navire assailli par un narval géant qui en perce la coque : de toute évidence, l’animal a cru pourfendre un rival.

Dans les années 1990, d’autres hypothèses ont avancé que la défense du narval pouvait également servir de gouvernail, être utilisée lors de la poursuite des proies, voire aider à percer la glace.

Un groupe de chercheurs, qui étudie les narvals depuis le début des années 2000, a démontré en 2014 que cette défense cache une véritable sonde chimique qui renseigne le cétacé sur le taux de salinité et la température des eaux arctiques qu’il fréquente.

Comme la formation de glace régit la vie quotidienne de l’espèce, celle-ci doit posséder un « sixième » sens pour en déjouer les pièges. C’est l’hypothèse de départ de cette étude pluridisciplinaire (anatomie, histologie, physiologie, régime alimentaire, neurophysiologie, génétique, chimie des eaux) menée dans la baie de Baffin.

Structure de la défense du narval - crédits : Encyclopædia Universalis France

Structure de la défense du narval

Les chercheurs ont pu constater que cette canine n’est pas recouverte d’émail mais d’un cément, tissu poreux et sensoriel enrobant sur toute sa longueur le tube de dentine (l’ivoire). Ce cément est souvent recouvert d’algues calcifiées. L’analyse chimique de ces algues – qui mémorisent, en se formant, les conditions de leur environnement – a permis d’obtenir des renseignements sur la température et la salinité des eaux que les narvals fréquentent. L’étude du cément a montré qu’il est très poreux : des millions de pores parcourus par un réseau dense de terminaisons nerveuses et nourricières – qui sont directement reliées à la partie centrale de la dent (la pulpe) puis au cinquième nerf crânien – sont répartis sur toute cette canine.

Les chercheurs ont aussi observé que les mâles sortent souvent leur défense hors de l’eau avant de plonger : celle-ci serait-elle utilisée comme une sonde météorologique afin d’évaluer l’évolution prochaine de la température et les risques d’embâcle ?

Certains animaux ont aussi été capturés (au maximum quelques heures) et munis d’instruments de mesure pour connaître certains paramètres physiologiques dont le rythme cardiaque. Dans les bassins de capture, on a fait varier la salinité et la température de l’eau en même temps qu’étaient enregistrées les variations du rythme cardiaque du narval. Ces mesures ont montré que la salinité est un stimulus qui, transmis au cerveau de l’animal, provoque des modifications de son rythme cardiaque. Ainsi le narval est-il renseigné durant toute sa plongée des modifications de salinité ; avant de plonger, il peut s’informer sur la température extérieure.

La défense du narval est donc un organe des sens, et cette fonction assurée par une dent demeure unique chez les mammifères. Certes, on a pu mesurer en différentes occasions que les dents des mammifères sont des organes sensibles à la chaleur, au froid, à l’acidité. Mais les fonctions qu’assurent la canine du narval apparaissent, après cette étude, indispensables à sa survie : en l’occurrence, le mâle servirait de guide au groupe. On a pu montrer que les variations du[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-Louis HARTENBERGER. NARVAL [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Gravures de narval - crédits : D'après Isaac de la Peyrère, Relation du Groenland, 1647

Gravures de narval

Populations de narvals - crédits : Encyclopædia Universalis France

Populations de narvals

Structure de la défense du narval - crédits : Encyclopædia Universalis France

Structure de la défense du narval

Autres références

  • CÉTACÉS

    • Écrit par Robert MANARANCHE, Vincent RIDOUX
    • 3 257 mots
    • 8 médias
    – Les Delphinapteridae, comme le belouga (Delphinapterus leucas) ou encore le narval (Monodon monoceros) qui est caractérisé par la présence d' une seule dent chez l'adulte, développée en défense.
  • IVOIRE

    • Écrit par Eugen von PHILIPPOVICH
    • 3 090 mots
    • 10 médias

    Les termes qui désignent l'ivoire dans diverses langues européennes se regroupent en deux familles principales. La première dérive du latin ebur, qui a donné ivoire en français, avorio en italien, ivory en anglais et ivoor en néerlandais. Le mot allemand Elfenbein se rattache au grec elephantos...

Voir aussi