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MOBILISATION DES RESSOURCES

La notion de « mobilisation des ressources » (MR) est au cœur de la sociologie américaine des mouvements sociaux et de l’action collective depuis le début des années 1970. Avec le concept d’« organisation de mouvement social », elle constitue le fer de lance de l’invalidation des théories du comportement collectif en offrant une vision rationnelle de l’action protestataire. Si le paradigme qui la sous-tend a subi le feu de nombreuses critiques, elle continue d’irriguer la réflexion sur la question de l’émergence, du développement et des chances de succès ou d’échec des mobilisations.

Une alternative aux théories du comportement collectif

Au-delà de leur diversité, les théories du comportement collectif étaient marquées par une approche psychosociologique et normative des processus de mobilisation en laissant souvent de côté les facteurs macro-politiques et organisationnels. Par contraste, le modèle de la MR considère l'activité des mouvements sociaux comme idéologiquement légitime et résultant de comportements volontaires et intentionnels, l'analyse se déplacant alors du pourquoi des mobilisations au comment de l'action collective.

Plusieurs facteurs rendent compte de ce basculement de paradigme. C'est d’abord le produit de l’évolution même de la contestation. Aux États-Unis, le mouvement des droits civiques et le développement de la révolte étudiante, en lien avec l’opposition à la guerre du Vietnam, suscitent un renouvellement des instruments d'analyse et des enjeux théoriques qui intègrent désormais les réflexions des praticiens de la mobilisation, comme Vladimir I. Lénine, Mao Tse Toung, Martin Luther King ou Saul Alinsky. Ces leaders historiques énoncent des principes généraux et des lignes d'action insistant sur les choix tactiques et sur l'infrastructure sociale et organisationnelle nécessaires au succès des luttes. Comme le souligne William Gamson dans The strategy of social protest (1975), il devenait de plus en plus difficile pour les universitaires, eux-mêmes partie prenante de ces luttes, de continuer d’expliquer les phénomènes d'action collective par l'anomie, l'irrationalité ou le degré de frustration. Par ailleurs, les difficultés des mouvements noirs ou étudiants à faire entendre leur voix remettent sérieusement en cause la théorie pluraliste de la participation politique sur laquelle la plupart des analystes de l'école du comportement collectif s’accordaient. D’où le rejet de la distinction prévalant jusqu'alors entre actions institutionnalisées et non institutionnalisées, qui faisait de l'action collective un mode légitime de participation et d'accès au politique (Frances Piven et Richard Cloward, Poor people’s movements, 1979). Par ailleurs, la prise en compte des conditions environnementales dans lesquelles évoluent les différents groupes pour expliquer le recours à tel ou tel mode d'action oriente vers une analyse plus précise qu’auparavant de ces cadres environnementaux, notamment en termes de contraintes, de répertoires d'action disponibles et de structures des opportunités.

En même temps que l'évolution des faits sociaux contraint le paradigme à évoluer, les méthodes d'analyse se renouvellent avec la prise en compte des travaux de l'école du choix rationnel. L'adoption des postulats de la théorie économique classique sur la rationnalité de l'acteur et sur les facteurs de la participation offre au nouveau paradigme un modèle théorique fort. De ce point de vue, la parution en 1966 de La Logique de l'action collective, rédigé par Mancur Olson, apporte aux chercheurs à la fois une assise théorique importée des sciences économiques et un défi à relever, celui du paradoxe de l'action collective.

C'est ainsi que, peu à peu, se met en place le paradigme de la mobilisation[...]

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Écrit par

  • : professeur de sociologie politique au Centre de recherche sur l'action politique de l'université de Lausanne (Suisse), directeur de recherche au CNRS

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  • ACTION COLLECTIVE

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    ...initiales. Rompant avec la forte tendance à interpréter l'éclosion de l'action collective sur le mode de l'explosion imprévisible, cette théorie dite de la mobilisation des ressources prend également le contre-pied des thèses défendues par les penseurs de la société de masse : c'est moins la prétendue désintégration...