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MATIÈRE ET MÉMOIRE, Henri Bergson Fiche de lecture

Une pensée de l'image

Si l'on considère, en effet, la donnée centrale de la conscience, à savoir la mémoire, on ne peut que rejeter ces « hypothèses ». Le souvenir est d'une certaine façon la preuve que tout dans la conscience ne se joue pas au « présent du besoin », et donc qu'il y aurait bien dans le psychisme quelque chose de fondamentalement irréductible au corps. Dans le deuxième chapitre du livre (« De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »), Bergson va distinguer deux mémoires : la mémoire habitude acquise par simple répétition mécanique (lors de l'apprentissage, par exemple) et la mémoire singulière, non répétitive. « C'est en soi que le passé se conserve », et non dans le cerveau. Entre passé et présent, souvenir et perception, il existe une différence de nature : le passé se conserve intégralement, « en soi », alors que le présent passe. La matière n'est ni une chose purement extérieure et opaque (selon la conception réaliste) ni une simple représentation (selon la conception idéaliste) mais une « image » : une « image qui existe en soi », c'est-à-dire quelque chose qui « est avant la dissociation que l'idéalisme et le réalisme ont opéré entre son existence et son apparence. »

Les conséquences de telles analyses, reconnues par l'auteur lui-même comme difficiles, sont nombreuses : les rapports entre philosophie et psychologie sont rendus plus complexes. La philosophie doit aussi tenir compte des découvertes faites par les sciences de l'esprit : on verrait fort bien aujourd'hui Bergson s'intéresser aux découvertes des cognitivistes et des partisans d'un matérialisme tel que celui défendu par Jean-Pierre Changeux dans L'Homme neuronal. Dans le champ proprement philosophique, néanmoins, les questions ouvertes par Bergson ont encore un avenir, comme en témoignent les travaux de Gilles Deleuze.

— Francis WYBRANDS

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Pour citer cet article

Francis WYBRANDS. MATIÈRE ET MÉMOIRE, Henri Bergson - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

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Henri Bergson - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Henri Bergson

Autres références

  • BERGSON HENRI (1859-1941)

    • Écrit par
    • 8 128 mots
    • 1 média
    ...reconstruisent artificiellement l'expérience, en fonction des exigences de la vie pratique et du langage : de l'expérience ils n'ont gardé que le nom. Au contraire, l'empirisme bergsonien est un « empirisme vrai », c'est-à-dire radical et intégral qui, d'une part, définit l'expérience pure par la ...
  • PERCEPTION (notions de base)

    • Écrit par
    • 3 227 mots
    en va de même en ce qui concerne le temps. Nous ne percevons pas le temps, nous percevons dans un temps que nous construisons. « Un chemin “objectivement” plus long peut être plus court qu’un chemin “objectivement” très court [...] si ce chemin paraît à celui qui le parcourt infiniment long », note...
  • SPIRITUALISME

    • Écrit par
    • 2 195 mots
    Ainsi, Matière et Mémoire part de la réalité de l'esprit comme de celle de la matière, analyse de près les phénomènes de l'aphasie, mais aboutit à cette conclusion, lourde de sens métaphysique, qu'« à aucun degré, en aucun sens, sous aucun aspect » le corps « ne sert à préparer, encore moins à expliquer,...
  • TEMPS / MÉMOIRE (notions de base)

    • Écrit par
    • 2 724 mots
    ...emparée de moi à un moment donné, de la pause que j’ai effectuée pour écouter un air de musique qui m’est cher. Tout cela relève, nous dit Bergson dans son livre Matière et mémoire (1896), de la « mémoire pure ». Nos mots, répète Bergson, sont des « vêtements trop larges » qui identifient de façon erronée...