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LUZI MARIO (1914-2005)

De La Barque (1935) au Cathéchisme du complet débutant (2004), Mario Luzi aura connu l'une des destinées de poète les plus longues et les plus fécondes du xxe siècle.

Il naît le 20 octobre 1914 à Castello, près de Florence, où son père est employé des chemins de fer. Une enfance mi-urbaine mi-paysanne et une adolescence à Sienne marquent de leur empreinte une œuvre qui restera toujours fidèle, triplement, au paysage toscan (celui de Pienza, notamment, séjour privilégié des vingt-cinq dernières années), à des origines modestes fièrement revendiquées, et à une foi catholique incarnée surtout par la mère et jamais reniée en dépit de multiples crises intérieures. De cette foi, le premier livre, déjà, témoigne : tenté un moment de renier La Barque, Mario Luzi y décèlera finalement la preuve de la possibilité d'un accord avec le monde qui forme l'horizon de son œuvre.

La tentation mallarméenne

Étudiant à Florence, Luzi s'oriente vers la littérature française. Il sera professeur de latin et d'italien en lycée pendant de longues années avant de terminer sa carrière aux universités de Florence et d'Urbin. Le travail universitaire aura favorisé chez lui le développement d'une réflexion théorique de grande ampleur sur la poésie ; certains de ses essais (notamment L'Enfer et les limbes, 1949) ont rencontré un large écho. Comme Eliot, Paz ou Bonnefoy, Luzi établit avec la tradition littéraire un rapport de lucidité critique aussi éloigné de la soumission aveugle que du rejet systématique.

Avènement nocturne (1940), Une libation (1946) et Cahier gothique (1947) l'imposent d'abord comme l'un des principaux représentants de « l'hermétisme » italien. La référence au « gothique » toscan – les poètes du dolce stil novo – redouble alors chez lui une confrontation avec l'œuvre de Mallarmé qui le fascine, mais à l'athéisme de laquelle il ne saurait adhérer. Dans son Étude sur Mallarmé (1952), Luzi exprime son admiration et sa distance face à l'obsession de toute-puissance et de maîtrise qui vise à installer le poète sur le trône du Dieu absent, et au soin mis, chez Mallarmé comme chez Pétrarque, à clore l'œuvre sur elle-même. C'est vers Dante, poète à ses yeux plus humble, plus libre et plus aventureux, qu'il se tourne alors. À partir de Prémices du désert (1952) et d'Honneur du vrai (1958), l'opacité anxieuse qui caractérisait la poésie « nocturne » des années de guerre, au plus près de l'existentialisme chrétien, fait place à une écriture déjà plus transparente.

Jamais, cependant, elle ne sera exempte d'inquiétude. Une profonde remise en cause apparaît au tournant des années soixante avec un recueil à la genèse difficile et au titre éloquent : Dans le magma (1963, 3e version définitive, 1966). Les ouvrages de cette seconde période (1963-1978) enregistrent le choc d'une modernité qui, en Italie, est celle des luttes sociales, du terrorisme, de la prise de conscience de ce qu'aura vraiment signifié, au-delà du fascisme, le scandale d'Auschwitz. Luzi a entendu les critiques qui lui reprochaient son apolitisme, son esthétisme nourri de références classiques. Sa poésie enregistre désormais le choc des discours contemporains, s'ouvre aux décors urbains, en même temps qu'un événement capital, la mort de sa mère, renouvelle son rapport à la foi. À travers la figure maternelle, dans Du fond des campagnes (1965), c'est aux humbles que le poète rend hommage, à l'accomplissement quotidien de la tâche d'être, comme il l'écrit dans Sur des fondements invisibles (1971), « fidèle à la vie ».

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Écrit par

  • : écrivain, traducteur, directeur de collections aux éditions Verdier, professeur de littérature comparée à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Jean-Yves MASSON. LUZI MARIO (1914-2005) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SUR D'INVISIBLES FONDEMENTS, Mario Luzi - Fiche de lecture

    • Écrit par Bernard SIMEONE
    • 682 mots

    Dans l'œuvre du poète Mario Luzi (1914-2005), né à Florence, qui, se libérant de Pétrarque et de Mallarmé, semble, sur un arc de sept décennies, tendre toujours davantage vers une poésie polyphonique, perpétuellement évolutive, dont le modèle fut Dante, Sur d'invisibles fondements...

Voir aussi