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MAGRITTE (exposition)

Partant de l'irréductible originalité du peintre belge René Magritte (1898-1967) – au sein même du groupe surréaliste auquel il est le plus souvent affilié –, Daniel Abadie, directeur de la Galerie nationale du Jeu de Paume et commissaire de l'exposition Magritte (11 février-9 juin 2003), s'est attaché à montrer les échos de son œuvre dans la production des artistes de la seconde moitié du xxe siècle. C'est en tout cas le propos du texte qu'il a rédigé pour le catalogue, même si la rétrospective se présentait de façon traditionnelle, avec, pour seule fantaisie, des murs colorés en accord avec la dimension poétique ou provocatrice des œuvres. Accrochées chronologiquement, les toiles retraçaient les différentes étapes de l'œuvre, depuis les peintures marquées par Giorgio De Chirico, réalisées dans les années 1920 – des espaces construits et vides, baignés de lumière froide, animés par quelques jeux d'ombres et quelques formes énigmatiques, le tout plongé dans un temps définitivement suspendu –, jusqu'aux énigmes visuelles pleines de poésie qui ont fait le succès populaire de l'artiste. L'exposition, certes la première à Paris depuis vingt-trois ans, mais séparée de celle qu'avaient organisée les Musées royaux des beaux-arts de Belgique à Bruxelles par cinq ans seulement, offrait un agréable parcours dans une œuvre déjà relativement bien connue du public.

Certaines toiles jouaient toutefois nettement sur le contraste qu'elles produisaient avec l'image convenue et quelque peu édulcorée de l'univers magrittien. On était ainsi frappé par la violence des œuvres du début, telles que Le Ciel meurtrier (1927), où sur un fond rocailleux flottent quatre oiseaux ensanglantés, ou encore Le Double Secret (1927), dans lequel un visage déchiqueté se détache du corps qui le porte, laissant apercevoir (à l'intérieur ?) des sphères fendues – globules, fruits, tumeurs, planètes ou grelots –, en suspension dans un milieu visqueux ou ligneux. La proximité de cette œuvre avec le surréalisme apparaît dans la force des associations d'images ou d'objets hétérogènes, décuplée par la technique illusionniste qui très tôt s'y impose. Magritte abandonne celle-ci par deux fois, au cours des années 1940, avec des tableaux qui firent scandale par le relâchement volontaire de leur traitement et par leurs thèmes incongrus. Au Jeu de Paume, des ensembles larges permettaient d'apprécier la liberté et l'impertinence de la « période Renoir », où l'artiste singe la manière des impressionnistes, et celles de la « période vache », où la touche se fait délibérément malhabile, et la couleur criarde.

Les visiteurs plus au fait du style « classique » de Magritte retrouvaient pourtant avec bonheur les chapeaux melons qui sont peu à peu devenus sa signature, et ne pouvaient qu'admirer la poésie de L'Empire des lumières (1953-1954) – dont différentes versions illustraient le pan sériel de son travail, résultant souvent de commandes –, ou celle de L'Appel des cimes (1943), et la force intacte du Viol (1934), œuvre terrible où le buste d'une femme, des seins au sexe, se substitue à son visage.

Si l'on peut tirer une leçon de cette exposition, c'est que les meilleures œuvres résistent à l'usure du regard. On en comprend facilement la raison dans le cas de Magritte, qui a toujours déjoué les habitudes visuelles et mentales du spectateur en misant sur la « trahison des images ». La rétrospective parisienne permettait de mesurer la variété et la maîtrise des dispositifs élaborés par l'artiste pour créer, à partir d'un réel banal, ce mystère qui « n'est pas une des possibilités du réel », mais bien plutôt « ce qui est nécessaire pour qu'il y ait du réel ». C'est d'abord le jeu qui s'instaure entre les images et leur titre, mais[...]

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Guitemie MALDONADO. MAGRITTE (exposition) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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