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LITTLE WALTER (1930-1968)

Il y a sans conteste dans l’histoire de l'harmonicablues un avant Little Walter et un après Little Walter.

Avant, c'est John Lee « Sonny Boy » Williamson, le premier modèle de Little Walter, de son véritable nom Marion Walter Jacobs. Né le 1er mai 1930 à Marksville, en Louisiane, Little Walter est maltraité par son beau-père et s'enfuit, enfant, du domicile familial. On le trouve faisant la manche à La Nouvelle-Orléans, où il a certainement appris à jouer de la guitare. À l'âge de treize ans, il est à Memphis, traînant dans Beale Street auprès des jug bands (ensembles hétéroclites d’instruments souvent bricolés) de la ville. C'est sans doute là qu'il s'initie à l'harmonica et développe l'amplification électrique de ce petit instrument, transposant le son, familier à ses oreilles, de l'accordéon puis du saxophone.

Lorsqu'il gagne Chicago en 1945, Little Walter s'impose vite comme un des maîtres de l'harmonica. Il rencontre Muddy Waters et Jimmy Rogers sur le marché aux puces de Maxwell Street et s'associe à eux pour définir le nouveau Chicago blues électrique et orchestral. Enregistré par le label Chess en compagnie de Muddy Waters puis sous son propre nom, Little Walter démontre toute l'étendue de ses talents en composant et en interprétant plusieurs pièces instrumentales marquantes : Off the Wall, Juke, Flying Saucer, Temperature, The Toddle. Les sonorités de son harmonica sont chaudes et profondes, les mélodies toujours élaborées, parfois complexes ; ses solos sont construits comme les parties de saxophone des souffleurs de rhythm and blues ; les décrochages de rythme et la progression de larges accords entrecoupés de cascades de notes sont totalement nouveaux dans le blues. Surtout, Little Walter imprime à sa musique un swing constant, aidé d'ailleurs en cela par certains des bluesmen de Chicago les plus tournés vers le jazz (Robert Jr. Lockwood, Freddy Robinson). Enfin, ses talents d'harmoniciste ne sauraient faire négliger ceux du chanteur, avec son timbre voilé et chaleureux, très bluesy, très urbain aussi, particulièrement efficace sur des blues en tempo moyen comme Blues With a Feeling, Key to the Highway ou Mean Old World.

De 1952 à 1958, Little Walter est à son zénith. Il engrange succès sur succès et son jeu d'harmonica, imité par d’innombrables émules, devient le modèle absolu du Chicago blues. Mais l'homme est un écorché vif. Perpétuel insatisfait, incapable de gérer sa carrière et sa vie, buvant trop, cherchant querelle à tous, tentant toujours de tromper tout le monde, Walter fait de plus en plus le vide autour de lui. Sa vanité l'égare : il néglige de s'entraîner, n'honore pas ses engagements et, aux débuts des années 1960, son étoile ne brille plus guère dans les nuits blues de Chicago.

Mais les disques de Little Walter ont atteint les rivages européens et suscité un fort engouement parmi les amateurs et les jeunes musiciens, notamment en Grande-Bretagne. Walter participe à plusieurs tournées européennes en 1964 et en 1967, démontrant devant des auditoires respectueux qu'il sait encore être un maître de l'harmonica. Mais, le 15 février 1968, comme John Lee « Sonny Boy » Williamson vingt ans plus tôt, il est tué au cours d'une rixe à la sortie d'un club, dans une sombre ruelle de Chicago.

L'œuvre qu'il a enregistrée pour Chess, une des plus abouties de l'histoire du blues, n'a cessé d'inspirer bluesmen et harmonicistes. Elle est disponible sur plusieurs recueils, comme Little Walter (Universal/Gitanes) ou Blues With a Feeling (Chess).

— Gérard HERZHAFT

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Gérard HERZHAFT. LITTLE WALTER (1930-1968) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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