LIMA
Configuration spatiale de la ville
La ville s'est développée entre le Pacifique et les Andes, au débouché de trois vallées (Rimac, Chillón, Lurín). Le décollage démographique de Lima-Callao date du début du xxe siècle : 140 000 habitants en 1900 ; 645 000 en 1940. De puissantes migrations internes, entre les années 1950 et les années 1970, expliquent une exceptionnelle croissance avec un taux annuel moyen de 5,5 p. 100 (1,8 million d'hab. en 1961 ; 3,3 en 1972 ; 4,6 en 1981), une croissance désormais ralentie (taux inférieur à 3 p. 100, puis à 2 p. 100 entre 1980 et 2005) et surtout liée à un fort accroissement naturel.
À 120 de latitude sud, un climat de désert côtier tropical frais (18 0C en moyenne annuelle, faible amplitude thermique, 6 à 8 mois de brouillards) et l'abondance de grands espaces faciles à aménager (vallées alluviales et glacis désertiques) ont favorisé l'étalement de l'urbanisation sur 100 kilomètres du nord au sud et 60 kilomètres d'est en ouest. La faible densité résidentielle (1 hab./km2), dévoreuse d'espaces, est aussi une prévention contre les séismes qui ont affecté la ville à plusieurs reprises (1856, 1974, 1985).
Le centre historique, au plan en échiquier classique de l'urbanisme colonial, réunit les sièges du pouvoir (politique, religieux, municipal), une partie des ministères, de l'administration et du secteur bancaire d'un pays qui reste très centralisé. Zone résidentielle paupérisée, il fait l'objet d'un processus de sauvegarde du patrimoine architectural (inscrit au patrimoine mondial de l'humanité par l'U.N.E.S.C.O. en 1988), assorti d'une politique de regroupement du commerce informel, qui avait envahi la rue, en galeries marchandes situées en lisière d'une couronne de quartiers populaires dégradés (Breña, La Victoria) mais où se déploie un nouveau tissu productif de petits ateliers.
Un premier anneau de croissance, structuré par d'amples avenues, s'est étendu vers le Pacifique à partir des années 1920. Au sud, les beaux quartiers (San Isidro, Miraflores, Barranco) de la ville-jardin associent villas luxueuses et parcs, grands immeubles résidentiels ou de bureaux ; on y observe le développement, nodal et axial, des fonctions du tertiaire supérieur ou mondialisé : services à l'international, finances, information, recherche. À l'ouest, vers le port de Callao, des quartiers de classes moyennes ou populaires (San Miguel, Magdalena del Mar) alternent avec d'anciennes zones industrielles en crise et de nouveaux parcs d'activités liés à la consommation et aux loisirs de masse (méga-centres commerciaux, marchés traditionnels, casinos, hôtels).
Un deuxième anneau de croissance, des quartiers d'autoconstruction pour l'essentiel, surgis à partir des années 1950 et diversement consolidés, s'étale en périphérie au nord du Rimac et, vers les Andes, à l'est de l'autoroute panaméricaine. Appelés barriadas (péjoratif de quartiers) puis pueblos jóvenes (« jeunes villes »), ils sont devenus les districts les plus peuplés de la capitale (San Martín de Porres, Comas, San Juan de Lurigancho, Villa El Salvador ou Villa María del Triunfo) avec près de 50 p. 100 des citadins. Issue des migrants indiens ou métis venus des campagnes et des petites villes du pays, augmentée à partir des années 1980 d'une partie des classes moyennes paupérisées, la population de ces quartiers, souvent démunie, évolue entre survie et sous-emploi (travail informel à 80 p. 100). L'accès à l'emploi et aux services de base (eau, égouts, écoles) est au cœur des contraintes et des luttes sociales dans ces quartiers tiraillés entre l'individualisme moderne et de fortes traditions de solidarité.
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Écrit par
- Jean-Paul DELER : agrégé de géographie, docteur d'État ès lettres et sciences humaines, directeur de recherche au C.N.R.S.
- DAVID J. ROBINSON : professeur de géographie à l'université de Colombie-Britannique, Vancouver
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