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SCIASCIA LEONARDO (1921-1989)

Leonardo Sciascia - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Leonardo Sciascia

Tour à tour chroniqueur, auteur de romans policiers ou historiques, essayiste et journaliste « engagé », Leonardo Sciascia s'est presque toujours inspiré de la réalité sicilienne, avec une vigueur et une originalité de pensée qui lui ont permis, en quelques années, de s'imposer comme l'un des principaux écrivains de sa génération.

Un écrivain sicilien

Sciascia est né en 1921 à Racalmuto, un bourg de la province d'Agrigente qui est demeuré pour lui un lieu privilégié, et n'a cessé de représenter à ses yeux une sorte de résumé de la Sicile tout entière. Issu d'une famille d'artisans, mais d'origine paysanne, il s'est toujours senti plus proche du monde des braccianti, ouvriers agricoles ou mineurs de soufre, que de celui des galantuomini, c'est-à-dire de ceux qui, bourgeois ou propriétaires terriens, ne vivent pas du travail de leurs mains. Au reste, les confidences autobiographiques sont rares dans ses livres, plutôt liés à l'évocation de l'atmosphère très particulière de la province sicilienne : monde clos, étouffant, caractérisé par une superposition de catégories sociales étanches, entre lesquelles se joue le jeu du pouvoir et de l'exploitation, à travers ces lieux traditionnels que sont la mairie, l'école ou l'église, et ces « cercles de conversation » où, dans le moindre bourg, se déroulent des palabres sans fin.

C'est dans ce monde archaïque que Sciascia s'est formé, sous le régime fasciste, à l'égard duquel il a toujours éprouvé une aversion viscérale. Sans s'astreindre à des études régulières, il lut avec passion tous les livres qu'il pouvait trouver, romans populaires ou poèmes de chevalerie, mais aussi les philosophes français du xviiie siècle, les historiens et les grands romanciers du xixe, et, parmi ses contemporains, Brancati, Savinio, ainsi que son compatriote Pirandello. C'est ainsi que, peu à peu, il se constitua une vaste culture, un goût et une connaissance approfondie de l'histoire, et notamment de l'histoire sicilienne, marqués par le souci passionné d'une société fondée sur la raison, la justice, la tolérance, ainsi que par un esprit critique et un sens de l'ironie qui sont demeurés quelques-unes de ses qualités les plus marquantes.

Instituteur, il a enseigné jusque vers 1965 dans des écoles primaires de sa province natale, qu'il n'a quittée que pour vivre à Palerme. Malgré la place grandissante qu'il occupe dans le monde littéraire italien, il n'a jamais voulu quitter la Sicile, et c'est toujours de la Sicile qu'il a parlé.

Il serait pourtant tout à fait inexact de voir en lui un écrivain régionaliste, plus ou moins complaisamment attaché à l'évocation pittoresque du folklore et d'une couleur locale très typée. En fait, Sciascia, qui se rattache à une longue tradition littéraire dont Verga, De Roberto et Pirandello sont les représentants les plus connus, ne parle de la Sicile que pour montrer ce qu'elle signifie et représente profondément.

Son premier livre, Les Paroisses de Regalpetra (Le Parrocchie di Regalpetra), publié en 1958, est sorti tout droit de son expérience d'instituteur dans une école misérable de la Sicile méridionale. Conçu tout d'abord comme une sorte de chronique de la vie quotidienne, vue à travers le prisme de l'école, le livre a été complété par d'autres récits, et offre une série de coupes, horizontales et verticales, de ce microcosme que constitue Regalpetra. Ainsi, à travers les péripéties de l'histoire ancienne ou récente et les lieux les plus significatifs de la petite ville, voit-on se dessiner peu à peu les personnages qui animent le jeu social et les règles de ce jeu.

Or il s'agit d'un jeu profondément injuste et, surtout, irrationnel, de telle sorte que, finalement, l'histoire[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Mario FUSCO. SCIASCIA LEONARDO (1921-1989) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Leonardo Sciascia - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Leonardo Sciascia

Autres références

  • LE CONSEIL D'ÉGYPTE, Leonardo Sciascia - Fiche de lecture

    • Écrit par Carina MEYER-BOSCHI
    • 822 mots
    • 1 média

    Avec Le Conseil d'Égypte, publié en 1963, l'écrivain sicilien Leonardo Sciascia (1921-1989) vient confirmer la singularité de sa poétique. Comme son premier livre Les Paroisses de Regalpetra (1956), que suit 1848 – une longue nouvelle ouvrant le volume des Oncles de Sicile(1960)...

  • ITALIE - Langue et littérature

    • Écrit par Dominique FERNANDEZ, Angélique LEVI, Davide LUGLIO, Jean-Paul MANGANARO
    • 28 412 mots
    • 20 médias
    La figure la plus importante est certainement celle de Leonardo Sciascia (1921-1989), dont l’œuvre consiste en grande partie en une réflexion sur la réalité politique et sociale sicilienne et italienne, conduite dans des romans comme Il giorno dellacivetta(1961), A ciascuno il suo(1966) ou encore...
  • POLICIER ROMAN

    • Écrit par Claude MESPLÈDE, Jean TULARD
    • 16 394 mots
    • 14 médias
    ...Vénus privée, 1966). À la même époque, on peut également citer le duo formé par Carlo Fruttero et Franco Lucentini (La Femme du dimanche, 1972), et Leonardo Sciascia, grand pourfendeur de la Mafia dont le roman Le Contexte (1971) a inspiré le film Cadavres exquis (1975) de Francesco Rosi. Un des vieux...

Voir aussi