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LAZARILLO DE TORMES (1553/54)

L'influence d'un esprit éclairé

Outre les hypothèses générales sur l'auteur (un érasmien ? un nouveau chrétien ?) on a longtemps attribué Lazarillo de Tormes, sans base solide, à Diego Hurtado de Mendoza, diplomate et écrivain de talent. Plus recevable est le bruit dont le P.  Sigüenza se fait l'écho : le brouillon du petit livre aurait été trouvé dans la cellule d'un moine hiéronymite, Fr. Juan de Ortega, un esprit éclairé et libre, digne d'en être l'auteur. On a proposé aussi (Cejador, F. Márquez) la paternité d'un polygraphe aimant le folklore, le tolédan Sebastián de Horozco. La question reste ouverte.

Mis à l'index en 1559 par l'Inquisition espagnole, Lazarillo de Tormes recommencera à circuler, expurgé de ses passages les plus anticléricaux, à partir de 1573. Il était déjà traduit en français (1560) et en anglais (1568), et devait l'être également en italien et en allemand. Après un précoce interpolateur (Alcalá, 1554) il suscita deux continuateurs. Le premier (Anvers, 1555) annexa étrangement Lazare à la littérature de métamorphoses, l'envoyant, à l'occasion de l'expédition d'Alger (1541), au fond de la Méditerranée où il devint un personnage au royaume des thons. Après son retour sur terre, il tient tête aux docteurs de Salamanque dans un épisode inspiré d'Eulenspiegel. Le premier chapitre du continuateur anonyme, où le « crieur de vins » boit sec avec les soldats allemands de l'Empereur, est le seul qui ait eu du succès. Souvent annexé au Lazarillo de Tormes original, il est plagié par le second continuateur, qui y accroche sa propre Seconde Partie de Lazarillo de Tormes (Paris, 1620). L'auteur de celle-ci, le protestant émigré Juan de Luna, rend à l'œuvre toute sa virulence anticléricale, qu'il accentue. Il consacre en même temps son intégration dans le genre picaresque, auquel, d'après Fernando Lázaro, elle appartient de plein droit, même si c'est le pícaro Guzmán de Alfarache qui a donné son nom au type en 1599. Le succès de la volumineuse étude de Mateo Alemán relance en 1602 le succès éditorial du petit livre.

— Marcel BATAILLON

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, membre de l'Institut, administrateur honoraire du Collège de France

Classification

Pour citer cet article

Marcel BATAILLON. LAZARILLO DE TORMES (1553/54) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ESPAGNE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par , et
    • 13 749 mots
    • 4 médias
    L'archiprêtre et La Célestine préludent à ce nouveau genre littéraire, d'un schéma rigoureux, dont le modèle est fourni par le Lazarillo de Tormes(premières éditions connues : 1554). L'un des chefs-d'œuvre en est le Guzmán de Alfarache de Mateo Alemán, dont le succès en Espagne...
  • HURTADO DE MENDOZA DIEGO (1503-1575)

    • Écrit par
    • 139 mots

    Écrivain et diplomate espagnol. Après des études humanistes très poussées à Grenade, à Salamanque puis en Italie, Hurtado de Mendoza fut envoyé comme ambassadeur dans plusieurs cours d'Europe jusqu'à ce qu'il tombât en disgrâce auprès de Philippe II. Il laissa néanmoins au roi, pour la bibliothèque...

  • PICARESQUE ROMAN

    • Écrit par
    • 2 125 mots

    On qualifie ordinairement de picaresques un ensemble de romans espagnols qui, sous forme autobiographique, racontent les aventures d'un personnage de basse extraction (le pícaro), sans métier, serviteur aux nombreux maîtres, volontiers vagabond, voleur ou mendiant. Le genre s'ouvre en 1554 par...

  • ROMAN - Essai de typologie

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