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LA VILLA (R. Guédiguian)

<em>La Villa</em>, R. Guédiguian - crédits : Gerard Meylan Agat Films & Cie/France 3 Cinema/Canal+/BBQ_DFY/ Aurimages

La Villa, R. Guédiguian

Après s’être consacré à des fictions qui interrogeaient une généalogie arménienne dans Une histoire de fou (2015), LeVoyage en Arménie (2006) et L’Armée du crime (2009), apportant une dimension supplémentaire à une filmographie marquée par une suite d’œuvres sur Marseille et l’Estaque, Robert Guédiguian revient avec La Villa(2017) à son vécu tant autobiographique que géographique et cinématographique. Situant son récit dans la calanque de Méjean, où il avait déjà filmé du temps de Ki losa? (1985), il dresse le constat d’une époque – la nôtre – où un monde social est en train de disparaître, quitte à produire de nouvelles formes d’espérance.

Sous le signe de Tchekhov

En choisissant pour thème de départ la réunion après bien des années d’une sœur et de deux frères venus au chevet de leur père vieillissant, victime d’une attaque qui l’a réduit à un état de dépendance totale, Guédiguian recrée le trio artistique formé par Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan. Ils interprètent respectivement Angèle, comédienne professionnelle ; Joseph, cadre au chômage qui a des velléités d’écrivain ; Armand, patron du café-restaurant local, qui a choisi de rester vivre avec son père. C’est bien contre son gré qu’Angèle revient sur les lieux de son enfance, qui furent aussi le théâtre de la noyade de sa petite fille – une mort dont elle continue de tenir son père pour responsable. Joseph, lui, est arrivé de Paris en compagnie de Bérangère (Anaïs Demoustier), sa compagne plus jeune d’une vingtaine d’années. Quant à Armand, il n’a pas quitté le lieu de son enfance et a suivi sa profonde évolution : la calanque est désertée ; il reste des retraités et un jeune pêcheur en la personne de Benjamin (Robinson Stévenin), qui apprécie son mode de vie. Mais ne sont-ils pas tous des « survivants », alors que la spéculation gagne toujours plus de terrain ? Les retrouvailles de Benjamin avec Angèle se transforment rapidement en idylle, comme en écho à leur passion commune de la scène. Il fallait bien ce lyrisme joueur pour atténuer le choc produit par la perte d’un vieux couple de voisins : Suzanne et Martin (Geneviève Mnich, Jacques Boudet) se sont donné une mort commune, peut-être afin de ne pas être une charge économique pour Yvan, leur fils médecin (Yann Trégouët), plus sûrement pour ne pas voir disparaître le monde qui fut le leur.

En s’apparentant à une scène de théâtre, le décor de la calanque donne au film son unité de lieu et de temps. Les interrogations sur la mort, le temps qui passe, l’avancée dans l’âge qui est poussée par la jeunesse en font une variation sur La Cerisaie de Tchekhov. La distance sidérale entre l’aujourd’hui et l’autrefois est encore renforcée par l’extrait de Ki losa? où sont montrés, dans une séquence ludique que transporte I Want You de Bob Dylan, les personnages d’Ascaride, Darroussin et Meylan, avec une trentaine d’années de moins. C’est au sein même de sa cinématographie que Guédiguian vient mesurer la perte élégiaque d’une époque qui ne fut pas forcément plus facile que celle de La Villa, tandis que l’énergie des personnages s’est dissipée avec l’âge.

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Écrit par

  • : critique de cinéma, membre du comité de rédaction de la revue Positif

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Pour citer cet article

Pierre EISENREICH. LA VILLA (R. Guédiguian) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

<em>La Villa</em>, R. Guédiguian - crédits : Gerard Meylan Agat Films & Cie/France 3 Cinema/Canal+/BBQ_DFY/ Aurimages

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