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LA GÉNÉRATION ROMANTIQUE (C. Rosen)

La traduction française du livre de Charles Rosen, The Romantic Generation, initialement paru aux États-Unis en 1995, marque sans conteste une date dans l'historiographie de la musique du xixe siècle. Suite naturelle du Style classique (1978), où l'auteur s'était concentré sur les figures de Haydn, Mozart et Beethoven, La Génération romantique. Chopin, Schumann, Liszt et leurs contemporains (Gallimard, Paris, 2002) analyse les années 1820-1850, en s'appuyant sur la « génération de 1810 », celle dont le style arrive à maturité « à la charnière des années 1820 et 1830 » : Chopin, Schumann et Liszt, mais aussi Berlioz, Bellini et Meyerbeer. La source originale du livre, une série de conférences où chaque artiste était traité séparément, se répercute donc naturellement dans son organisation interne, lui donnant un caractère extrêmement vivant, renforcé par la présence de nombreux exemples de partitions musicales, pour lesquelles Rosen s'est souvent reporté aux éditions originales, et celle d'un CD d'extraits joués par lui-même.

Nul doute que l'ouvrage intéresse d'abord les musicologues. Mais il ne relève pas seulement de la musicologie. Rosen, en voulant définir le style romantique, était naturellement porté à déborder son sujet premier : rappelons qu'il était titulaire, à l'université de Chicago, d'une double chaire de musicologie et de littérature comparée, et qu'il a, avec Henri Zerner, écrit de nombreux textes sur la peinture, la sculpture et la gravure du xixe siècle. Aussi est-il souvent question ici de peinture ou de littérature, dans un constant va-et-vient avec la musique, même si celle-ci occupe bien entendu la première place. Les musiciens dont il est question, et notamment celui qui se trouve au cœur de la réflexion de l'auteur, Chopin, ont en effet entretenu des relations étroites avec d'autres personnalités de leur temps, écrivains et peintres en particulier (dans le cas de Chopin, il suffira de nommer George Sand et Delacroix, dont les discussions communes sur la peinture et la musique, les couleurs et les tons, sont justement évoquées par Rosen). Le romantisme n'est-il pas aussi la recherche de l'union des arts, à la poursuite d'un idéal commun, en réalité insaisissable, celui d'exprimer l'universel par le particulier, de révéler le monde à travers une expérience singulière, celle de l'artiste envisagé comme un médium ?

Aussi le livre tout entier – mais plus spécifiquement ses trois premiers chapitres – fournit-il une base de réflexion à qui s'intéresse au romantisme en général, et pas seulement à son expression musicale. On retiendra par exemple tout le passage consacré au fragment, forme par excellence du romantisme théorisée par Friedrich Schlegel, et plus généralement les considérations sur le langage musical propre au romantisme, ou celui qui est dévolu à la place du « folklore » dans l'œuvre de Chopin. Les bases posées pour la musique ne peuvent-elles être appliquées à d'autres formes d'expression ? Ainsi des cycles de mélodies, qui en offrant à l'auditeur une suite de paysages émotionnels (mais aussi parfois directement descriptifs de la nature), « témoignent du rôle primordial qu'ils ont joué dans l'histoire de l'art romantique », réalisant « un des idéaux de l'époque : donner un statut épique, une monumentalité véritable à l'expression lyrique de la nature, sans rien perdre de l'apparente simplicité de l'expression personnelle ». La force de l'ouvrage tient à ce qu'on le sent appuyé sur une connaissance approfondie de l'ensemble des expressions artistiques de l'époque ainsi que sur une longue réflexion dont on voit ici l'aboutissement, enrichie de l'expérience du musicien. À chacun de suivre, ou non, les voies dessinées par l'auteur.[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Barthélémy JOBERT. LA GÉNÉRATION ROMANTIQUE (C. Rosen) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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