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SŁOWACKI JULIUSZ (1809-1849)

Romantique jusqu'à l'excès, Słowacki n'est cependant pas de ceux qui introduisirent le romantisme en Pologne : il est de dix ans plus jeune que Mickiewicz et Malczewski.

Słowacki resta marqué par les traits les plus caractéristiques du romantisme international : byronisme, mise en scène bariolée et exotique, culte du souvenir, aspiration à un monde différent et inaccessible, fusion aimante avec la nature, célébration passionnée de la liberté et haine de toutes les tyrannies, conception foncièrement esthétique du monde et du destin des hommes...

Le romantisme a joué dans la vie et l'histoire polonaises un rôle qui dépassait de loin l'influence d'un courant littéraire. C'est pourquoi Słowacki, lui aussi, imprégna profondément la conscience nationale, façonna la manière de sentir et de penser de générations entières. Ce fut la récompense posthume de ce solitaire, qui rêvait d'être un guide spirituel. Aujourd'hui, Słowacki redevient ce qu'il fut avant tout : un très grand poète. Son œuvre demeure déroutante à bien des égards : capricieuse, multiforme, exprimant, tour à tour, un sentiment romantique de profonde altérité, une vision réaliste, ironique des hommes et, enfin, des élans mystiques aux incroyables ambitions. Il créa un nouveau langage de l'imagination, balaya, plus que tout autre, les conventions et les limites de la littérature, jeta les fondements du théâtre polonais moderne. Il fut l'incarnation vivante du romantisme dans ce qu'il avait d'individualiste et de social à la fois.

L'exilé

Né à Krzemieniec, Juliusz Słowacki, orphelin à cinq ans, grandit entouré des soins d'une mère qu'il aime d'une passion presque maladive. Mais les événements se chargent vite de détruire l'univers livresque où il semble s'enfermer. Extraordinairement précoce, connaissant parfaitement cinq langues, élevé dans un milieu très lettré (son père, Euzebiusz, était professeur de littérature à l'université de Wilno), Słowacki se plonge, dès sa quinzième année, dans la lecture de Byron et de Mickiewicz. Il s'identifie presque immédiatement à l'image du jeune romantique, marqué par l'amertume et la révolte, même par des passions étranges et souvent criminelles. Son premier poème important, Godzina Myśli (1832, L'Heure de la pensée), est une confession de « l'enfant triste » et révolté, touché par la grâce poétique et le sentiment de sa propre différence.

En 1829, il occupe un poste au ministère des Finances à Varsovie, mais l'insurrection de 1830, après avoir fait de lui un révolutionnaire, le voue à l'exil : Paris, la Suisse, l'Italie, l'Orient. Le désastre de 1831 l'a profondément transformé. Kordian (1834), conçu comme réplique aux Aïeux de Mickiewicz, dont la personnalité et l'influence fascinent et irritent Słowacki, en est la preuve ; le héros romantique y est confronté avec la réalité politique : conspiration, attentat manqué, supplice, Słowacki ne reviendra au pays natal qu'à l'occasion de l'insurrection de 1848 ; il a la joie d'y retrouver sa mère après tant d'années de séparation – sa correspondance avec elle constitue l'un des chefs-d'œuvre de la prose romantique polonaise. Mais il lui faut rejoindre Paris où il meurt l'année suivante, oublié, sauf de quelques enthousiastes dont Norwid et Krasiński.

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Classification

Pour citer cet article

Jón BLONSKI. SŁOWACKI JULIUSZ (1809-1849) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DRAME - Drame romantique

    • Écrit par Anne UBERSFELD
    • 4 598 mots
    • 5 médias
    Julius Słowacki est un homme de théâtre brillant dont les œuvres principales sont toujours jouées : ainsi de Balladyna (1834) écrit d'après un conte, de Kordian (1834), qui met en scène l'image typique du héros patriote, rebelle vaincu, de Lilla Weneda (1840), qui ne craint pas de...
  • POLOGNE

    • Écrit par Jean BOURRILLY, Universalis, Georges LANGROD, Michel LARAN, Marie-Claude MAUREL, Georges MOND, Jean-Yves POTEL, Hélène WLODARCZYK
    • 44 233 mots
    • 27 médias
    ...de l'insurrection de 1830, dans les conditions de l'exil et de l'émigration, va éclater l'originalité du romantisme, avec Adam Mickiewicz (1798-1855), Juliusz Słowacki (1809-1849) et Zygmunt Krasiński (1812-1859), ceux auxquels est appliquée la notion spécifique de wieszcz : poète inspiré, barde,...

Voir aussi