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BIALOT JOSEPH (1923-2012)

Écrivain abordant des genres aussi divers que le polar ou le roman historique, Joseph Bialot fut aussi un témoin de la Shoah. Sa vie fut une succession d'épreuves qu'il s'efforça de surmonter grâce à une énergie de tous les instants, une énorme capacité de travail et un humour permanent qui empruntait autant à la tradition yiddish qu'à l'almanach Vermot.

Joseph Bialot, de son vrai nom Bialobroda, est né à Varsovie le 10 août 1923 dans une famille juive. Avec sa mère et sa sœur, il quitte la Pologne en juillet 1930 pour retrouver son père à Paris, dans le quartier de Belleville. Le 1er octobre, il intègre l'école communale, 77 boulevard de Belleville. Mais « le petit Polack » va vite la considérer comme un lieu d'injustice. Ne parlant pas encore le français, il se retrouve dernier de la classe et à ce titre collé en « retenue ». Il prendra sa revanche un jour de 1937 lorsqu'il sera reçu « premier de l'arrondissement au concours d'entrée au cours complémentaire ».

Trois ans plus tard, en 1940, c'est l'exode. Joseph Bialot se retrouve à Bordeaux, Pau puis Grenoble, où il est arrêté par la Milice en juin 1944, alors qu'il milite dans un mouvement de résistance. Il est incarcéré à la prison Saint-Paul, à Lyon, avant d'être déporté, le 11 août 1944, à Birkenau puis à Auschwitz, dans le dernier convoi en partance de France pour l'Allemagne. Libéré le 27 janvier 1945 par l'Armée rouge, il rejoint Paris et sa famille en mai. Après avoir travaillé dans l'entreprise de prêt-à-porter de son père, il fréquente l'université de Vincennes en 1969, afin d'obtenir une licence de psychologie.

En 1978, il publie son premier roman, Le Salon du prêt-à-saigner qui reçoit le grand prix de littérature policière. Son protagoniste, Josip, réfugié yougoslave trompé par son amie, rackette les ateliers de couture du quartier du Sentier, à Paris. Description réaliste et complexité des personnages d'un milieu jusqu'ici absent du polar sont les qualités qu'on retrouvera dans toute l'œuvre forte de trente-six ouvrages qui sont souvent aussi des peintures des quartiers de Paris : Belleville, bien sûr (Babel-ville, 1979), mais aussi le marché aux puces de Saint-Ouen (Rue du chat crevé, 1983), ou le faubourg Saint-Martin (Le Manteau de Saint-Martin, 1985).

En 2012, Joseph Bialot publia Le Puits de Moïse est achevé qui traite de Philippe le Bel s'attaquant au fabuleux trésor des Templiers. Passionné par l'Histoire, il savait la faire revivre en empruntant aux petites histoires personnelles de ses personnages, comme on le voit aussi avec le diptyque Le Vent du sud (1988 et 1990). Une autre de ses réussites est une saga passionnante, À la vie (2010), qui se déroule de 1871 à 1948, de la Commune de Paris à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à travers l'histoire d'une famille d'imprimeurs de Belleville dont les destins croiseront ceux de familles d'artistes et de marchands d'art.

Si la plus grande partie de ses romans relève du polar, Joseph Bialot a aussi témoigné sur l'ignominie nazie avec C'est en hiver que les jours rallongent (2002), récit de son calvaire vécu à Auschwitz, que François Maspero a comparé à Si c'est un hommede Primo Levi.

Cet incontournable témoignage a été réédité avec une quarantaine de pages supplémentaires sous le titre Votre fumée montera vers le ciel (2011). Quant à Belleville Blues (2005), il s'agit d'un étonnant récit d'une centaine de pages à travers lesquelles le romancier raconte son enfance.

Tout au long de son œuvre protéiforme, s'il se montre impitoyable avec les bourreaux, Joseph Bialot exprime toujours une tendresse infinie pour les personnages humbles, souvent écrasés ou humiliés.

— Claude MESPLÈDE

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