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JIPPENSHA IKKU (1765-1831)

Écrivain japonais. De son vrai nom Shigeta Tadakazu, né dans la province de Suruga, Ikku avait tâté de tous les métiers (il fut successivement petit fonctionnaire, marchand de bois, marchand d'encens, auteur dramatique à Ōsaka sous le pseudonyme de Chikamatsu Yoshichi) avant de venir s'installer à Edo en 1794. Il sera, d'après le témoignage de son contemporain Shikitei Samba, « le premier écrivain japonais à vivre entièrement du produit de son pinceau ». Extrêmement prolifique, il s'essayera dans tous les genres à la mode : chroniques burlesques, parodies de classiques, livres « sentimentaux » (ninjō-bon), poésie populaire (kyōka et senryū), dans des opuscules qu'il illustrait souvent de sa main. En 1802 enfin, il découvrait presque par hasard le genre qui devait faire sa gloire sinon sa fortune et qui allait immortaliser son nouveau pseudonyme de Jippensha Ikku. Cette année-là, en effet, il publiait le premier fascicule d'une sorte de roman picaresque, le Voyage par le Tōkaidō sur le destrier Genou (Tōkai-dōchū hizakurige), autrement dit à pied ; les livraisons de ce roman se suivirent jusqu'en 1822 au hasard de ses besoins d'argent et des pressions de son éditeur, dont le succès prodigieux de l'ouvrage faisait la fortune.

Le Hizakurige est une sorte de guide burlesque du Tōkaidō, la grande route qui reliait Edo à Ōsaka par Kyōto. C'est le récit d'un voyage entrepris, pour fuir leurs créanciers, par deux joyeux lurons qui ressemblent étrangement à leur auteur, et toute l'histoire n'est qu'une longue suite de farces qu'ils jouent à tous ceux que la malchance place sur leur trajet, farces qui parfois tournent à la confusion des deux compères. Chemin faisant, les cinquante-trois stations du Tōkaidō (que le peintre d'estampes Andō Hiroshige allait illustrer en s'inspirant quelquefois de l'œuvre d'Ikku) défilent sous nos yeux avec leur population d'aubergistes et de filles à l'affût des voyageurs. Ceux-ci ne valent guère mieux : vagabonds, « moines » errants, mendiants, chanteurs aveugles, samourais sans emploi, arrogants et gueux, voleurs de grand chemin et détrousseurs d'étape. Tout ce monde vit, s'agite et grouille, chacun s'exprimant dans son argot ou son patois, langage pittoresque sinon de compréhension facile, témoignage irremplaçable sur le Japon du début du xixe siècle.

Toujours besogneux, Ikku écrivait d'abondance et, si tout dans les centaines de livrets illustrés qu'il nous a laissés n'est certes pas de la veine du Hizakurige, bien souvent, au détour d'une phrase, s'y déchaîne soudain un feu d'artifice qui ravit le lecteur, quand l'auteur par exemple se parodie lui-même comme dans ce « récit de voyage » où il décrit longuement le « pèlerinage aux Six Amida », six monastères des faubourgs d'Edo dont on faisait le tour en quelques heures.

— René SIEFFERT

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

René SIEFFERT. JIPPENSHA IKKU (1765-1831) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • JAPON (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Jean-Jacques ORIGAS, Cécile SAKAI, René SIEFFERT
    • 20 234 mots
    • 2 médias
    Jippensha Ikku (1765-1831), bohème incorrigible, avait tâté de tous les métiers avant de s'établir comme feuilletoniste aux gages d'un éditeur. C'est ainsi qu'il publia, en livraisons très irrégulières, échelonnées sur vingt ans (1801-1822), une sorte de roman picaresque...

Voir aussi