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ESQUIROL JEAN ÉTIENNE DOMINIQUE (1772-1840)

Psychiatre français originaire de Toulouse, où il fit ses études de théologie et de médecine, comme son maître Pinel, dont il devint l'élève, puis l'assistant à la Salpêtrière à Paris, avant de lui succéder à la tête de ce célèbre service en 1810. Esquirol perfectionna l'œuvre de son prédécesseur, tant en matière de nosologie que dans le domaine des traitements et de l'assistance aux aliénés, pour lesquels il fit voter la fameuse loi du 30 juin 1838, qui a régi jusqu'en 1990 l'hospitalisation et l'internement des malades mentaux en France. Devenu entre-temps médecin-chef de la Maison royale de Charenton en 1824, il mourut couvert d'honneurs officiels et académiques.

Après une thèse Les Passions considérées comme causes, symptômes et moyens curatifs de l'aliénation mentale (1805), Esquirol reprend la classification nosographique de Pinel en distinguant dans la classe des délires partiels (ou mélancolie) le délire triste, qu'il appelle « lypémanie », des « monomanies », ou délires localisés à une idée délirante prévalente, qui ont un succès et une extension malheureusement indéfinis, leur spécificité finissant par ne reposer que sur un thème délirant ou un trouble du comportement ou des instincts (monomanies instinctives).

Esquirol modifie aussi la classification de son maître à propos de l'idiotie et des démences (Traité des maladies mentales, 1838). Il tient à séparer soigneusement ce qui est de l'ordre d'une insuffisance de développement mental congénitale ou héréditaire (idiotie, crétinisme, imbécillité) de ce qui est affaiblissement acquis ou démence (« le riche devenu pauvre »). La démence, maladie chronique, peut être parfois transitoire : c'est la démence aiguë, que l'élève d'Esquirol, Georget, préférera appeler « stupidité » et qui deviendra, avec Chaslin, la « confusion mentale primitive ». Cet apparent progrès dans le diagnostic des maladies mentales est malheureusement l'amorce de toute une conception étiologique qui privilégie l'hérédité en psychiatrie infantile. Le retard de développement intellectuel apparaît plus important que la perturbation affective profonde ; et il faudra attendre cent cinquante ans pour qu'on retrouve, avec la notion de psychose infantile à symptomatologie déficitaire, ce que le vieil « idiotisme » de Pinel recouvrait dans sa complexité et son apparente obscurité.

Mais c'est surtout comme chef d'école et comme législateur soucieux d'organiser l'assistance psychiatrique française qu'Esquirol reste l'une des figures les plus marquantes de l'histoire de la psychiatrie, à tel point que le terme d'esquirolisation est devenu synonyme d'internement dans le vocabulaire des psychiatres.

— Jacques POSTEL

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Écrit par

  • : médecin-chef au centre hospitalier Sainte-Anne, Paris

Classification

Pour citer cet article

Jacques POSTEL. ESQUIROL JEAN ÉTIENNE DOMINIQUE (1772-1840) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALIÉNISME (histoire du concept)

    • Écrit par Jean GARRABÉ
    • 1 571 mots
    Les idées politiques deJean Étienne Dominique Esquirol (1772-1840), monarchiste, catholique et franc-maçon, firent de lui le principal inspirateur de la loi votée sous la monarchie de Juillet le 30 juin 1838, créant dans chaque département un asile d'aliénés. La loi fixait les règles juridiques...
  • ASILE PSYCHIATRIQUE (histoire du concept)

    • Écrit par Sylvie METAIS
    • 1 182 mots
    • 1 média

    Le terme asile vient du grec asulon qui signifie lieu inviolable ou encore refuge. Il désigne principalement les établissements où sont soignés les malades mentaux. Les premiers asiles ont vu le jour en France au début du xixe siècle. C'est le psychiatre français Esquirol, élève et disciple...

  • DÉMENCE

    • Écrit par Raymond ESCOUROLLE, Universalis, Joël GREGOGNA
    • 5 189 mots
    ...souvent », de la démence, « débilité particulière des opérations de l'entendement et des actes de la volonté » où « la faculté de pensée est abolie ». Esquirol devait ultérieurement insister sur le caractère acquis des troubles démentiels, opposant ainsi l'idiotie, de caractère congénital, à la démence,...
  • FALRET JEAN-PIERRE (1794-1870)

    • Écrit par Henri EY
    • 525 mots

    Un des grands aliénistes français du xixe siècle. Né à Marcillac-sur-Lot, élève au collège de Cahors, puis étudiant en médecine, d'abord à Montpellier, et, en 1811, à Paris, Jean-Pierre Falret fréquente en particulier l'hôpital de la Salpêtrière, où il connaît Pinel. Mais c'est Esquirol qui décide...

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Voir aussi