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ECHENOZ JEAN (1947- )

Jean Echenoz est né le 26 décembre 1947 à Orange. C'est en 1979 qu'il fait son entrée dans le paysage littéraire avec Le Méridien de Greenwich. Publiée aux éditions de Minuit au moment où la littérature française est traversée par de nombreux débats sur la fin des avant-gardes et du nouveau roman, son œuvre est saluée de manière diverse. Romancier des années 1980 pour Pierre Lepape (Le Monde, 24 mars 1990), écrivain déconcertant pour d'autres, Jean Echenoz devra attendre pour être vraiment reconnu, alors que son œuvre obtient un rapide succès.

Jean Echenoz - crédits :  Jean-Noel De Soye/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Jean Echenoz

Son nom qui est aussi, « hasard objectif », celui d'un des personnages de Locus Solus de Raymond Roussel – rencontre qu'il fit très jeune, comme celle d'Alfred Jarry – marque d'emblée son œuvre du sceau de la « parodie », d'autant que ses trois romans suivants : Cherokee qui obtient le prix Médicis en 1983, L'Équipée malaise (1987) et Lac (1989) relèvent, selon les propres termes de leur auteur, d'« hommages » rendus à des genres dits « mineurs ». Contemporain du mouvement de retour à la fiction, Jean Echenoz a su d'emblée imposer un univers atypique qui participe de formes narratives alors peu pratiquées dans le cadre de la littérature générale. Ainsi Cherokee relève-t-il du roman policier (Éric Ambler), L'Équipée malaise, du roman d'aventures (Stevenson, Conrad) et Lac du roman d'espionnage.

Loin de parodier ces genres, Echenoz se réapproprie plutôt, dans cette trilogie, des logiques narratives et des imaginaires qui nous sont familiers, tout en leur faisant subir un certain nombre d'opérations de déconstruction qui en dévient la trajectoire. Parallèlement, il soumet la narration à un subtil dérèglement, qui place à égale distance l'objectivité du nouveau roman et les conventions du conformisme romanesque. Le narrateur n'est souvent ici que le spectateur ironique de ses créatures, considérant toutes leurs dérives avec distance. Familier du jazz (Charlie Parker, Thelonious Monk), Jean Echenoz introduit enfin de fécondes dissonances dans son récit, tant au niveau syntaxique que prosodique et sémantique.

Jean Echenoz va poursuivre son exploration de l'époque avec Les Grandes Blondes (1995), Un an (1997), qui forme diptyque avec Je m'en vais, ce dernier roman étant couronné par le prix Goncourt en 1999. Nous trois (1992) puis Envoyée spéciale (2016) et Vie de Gérard Fulmard (2020) renoueront, au fil de l’œuvre, avec les variations sur les genres que l’auteur affectionne.

S'il y a héritage chez Echenoz, il se trouve davantage dans certaines attitudes face à l'écriture romanesque que dans une volonté délibérée de caricaturer des formes. Chaque roman se présente ainsi comme une enquête qui, après de multiples rebondissements, débouche sur une issue catastrophique. Une enquête policière où le texte ne tarde pas à prendre à contre-pied le lecteur, à la façon d'une variation sur un thème de jazz. Si Echenoz, dans la tradition valéryenne, refuse la psychologie, il n'en trouve pas moins ses antihéros dans le réel. Sans domicile fixe, flics ratés, espions, seconds rôles, picaros promus à vivre des histoires navrantes, tous composent une troupe souvent carnavalesque. Le roman n'est plus alors que l'entrecroisement de leurs histoires minuscules, provoquant les effets les plus inattendus. En proie à leur désespérance ou à leur cynisme, ils sont le jouet d'un monde de violence où la manipulation, voire la prédation sociale est la règle. Ils habitent leurs histoires en simples locataires, s'inventent des lignes de fuite. Ce monde où la passion amoureuse se termine souvent de façon malheureuse ne peut trouver alors d'autre rédemption que dans l'humour le plus grinçant.

La banlieue, les quartiers populaires des villes, l'univers nocturne[...]

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Pour citer cet article

Jean-Didier WAGNEUR. ECHENOZ JEAN (1947- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • JE M'EN VAIS, Jean Echenoz - Fiche de lecture

    • Écrit par Aliette ARMEL
    • 998 mots

    Depuis son premier livre, Le Méridien de Greenwich (1979, prix Fénéon), Jean Echenoz (né en 1947) a toujours séduit la critique et le public par la singularité de son entreprise, définie lors de la sortie de son troisième ouvrage, L'Équipée malaise (1986), comme « la subversion du roman...

  • RAVEL (J. Echenoz)

    • Écrit par Michel PAROUTY
    • 1 013 mots

    Est-ce une tentative biographique ? N'en est-ce pas une ? Qu'espérer, dans ce domaine si particulier, en cent vingt-huit pages ? Surtout lorsque le sujet étudié n'était pas vraiment extraverti et n'avait pas pour habitude de multiplier les confidences ? Que faire, surtout, depuis que l'ouvrage magistral...

  • VIE DE GÉRARD FULMARD (J. Echenoz) - Fiche de lecture

    • Écrit par Norbert CZARNY
    • 1 157 mots

    Ancien steward licencié pour faute lourde, Gérard Fulmard se trouve embarqué dans une affaire qui le dépasse. Voilà, simplement résumé, Vie de Gérard Fulmard, roman de Jean Echenoz (Éditions de Minuit, 2020).

  • LITTÉRATURE FRANÇAISE CONTEMPORAINE

    • Écrit par Dominique VIART
    • 10 290 mots
    • 10 médias
    Ainsi du romanesque auquel les écrivains ne reviennent qu’avec une distance enjouée ou parodique. Jean Echenoz multiplie les variations sur les modèles du roman policier (Cherokee, 1983), d’aventures (L’Équipée malaise, 1987), d’espionnage (Lac,1989) ou d’anticipation (Nous trois,1992)...
  • ROMAN - Le roman français contemporain

    • Écrit par Dominique VIART
    • 7 971 mots
    • 11 médias
    ...qu'elles inventent des écrivains fictifs (Benjamin Jordane dont Jean-Benoît Puech publie et commente les œuvres apocryphes) ou qu'elles revisitent avec Echenoz les diverses formes du romanesque : le roman policier dans Cherokee (1983) ; d'aventure dans L'Équipée malaise (1987) ; d'espionnage...

Voir aussi