Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

HYDROGÉOLOGIE

L’homme et l’eau souterraine

De l’exploitation à la surexploitation

Tendance piézométrique à moyen terme - crédits : Encyclopædia Universalis France

Tendance piézométrique à moyen terme

Accédez à l'intégralité de nos articles sans publicité

Le suivi pluriannuel du niveau statique d’une nappe exploitée permet de visualiser l’effet de l’exploitation à moyen terme sur le niveau de la nappe. Ce suivi peut se faire en continu par un piézographe, ou par mesures manuelles régulières. Le niveau statique enregistre les fluctuations annuelles, dues à l’interaction entre les flux de recharge et les flux de décharge constitués par l’écoulement naturel de la nappe ainsi que par son exploitation par l’homme. Si la courbe suit une sinusoïde annuelle répétée sans tendance, le système est en régime permanent, la recharge compense les sorties naturelles et anthropiques. Dans le cas où cette sinusoïde descend graduellement, les sorties ne sont plus compensées par les entrées ; on parle de surexploitation de la nappe.

Dans certains cas, la génératrice montre une tendance à la hausse. Ce cas de restauration piézométrique peut correspondre à la cessation de gros pompages, comme dans les régions désindustrialisées.

La notion de surexploitation est liée à la fois à des phénomènes naturels (diminution de la recharge due au changement climatique) et à l’action anthropique (accroissement des besoins, imperméabilisation des surfaces d’infiltration).

De la recharge artificielle à la gestion active des aquifères

Une gestion en permanence équilibrée des ressources en eau consisterait à ne prélever dans la ressource qu’un volume d’eau au plus égal à la recharge de la même période. Mais recharge et besoins ne sont pas forcément synchrones : en France, la recharge naturelle intervient en automne et au printemps, alors que les besoins se situent plutôt en été (irrigation, stations balnéaires…), voire en hiver (stations de ski). Un premier scénario de gestion est d’exploiter le flux interannuel de recharge en ne tenant pas compte de sa répartition saisonnière. Ce cas requiert un pompage en saison plus sèche à un niveau dynamique plus bas que les points de sortie naturelle de la nappe, par exemple à la source du Lez à Montpellier. La conséquence est le tarissement voulu de la source plusieurs mois par an, pour que, lors de la recharge, un volume plus important qu’en régime naturel se stocke dans l’aquifère dénoyé par le pompage, car autrement ce volume se serait échappé par la source en période humide.

Principes de la recharge artificielle de nappe phréatique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Principes de la recharge artificielle de nappe phréatique

Une autre voie de gestion active consiste à pratiquer la recharge artificielle, en infiltrant des eaux de surface dans des forages (zone noyée) ou dans des bassins (zone vadose). Dans certains pays à fort déficit hydrique (Espagne, Tunisie, Australie, États-Unis, Israël…), les eaux usées traitées sont utilisées comme source de recharge artificielle. La recharge artificielle ne peut se faire qu’avec des eaux claires (peu turbides) pour éviter les problèmes de colmatage. Celle par les eaux usées demande un traitement poussé (osmose inverse, hyperozonation) avant l’injection, pour ne pas recycler dans la nappe les substances conservatives, comme les molécules pharmaceutiques à temps de dégradation supérieur au temps de traitement par la station.

Les travaux sous nappe

L’exhaure minière et son arrêt

Une mine crée des vides : les galeries constituent des drains pour la nappe et les zones exploitées par tranches foudroyées génèrent une fracturation au toit, là où la roche était peu perméable, qui facilite l’infiltration depuis la surface. Les mineurs drainent gravitairement les sorties débouchant à flanc de vallée, alors que l’exhaure se fait par pompage quand la mine se développe sous une topographie de fond de vallée. À l’abandon des exploitations, les deux types de drainage joueront un rôle différent : les galeries à flanc de colline continueront de rabattre la nappe de flanc de vallée, et la qualité de l’eau se maintiendra, alors que l’arrêt d’un pompage minier s’accompagnera d’une remontée des eaux dans le gisement qui a une conséquence qualitative négative. En effet, dans ce dernier cas, le lessivage par l’eau des parois de mine très minéralisées (fer, sulfates, éléments-traces métalliques…) entraîne une dégradation de la qualité aux résurgences. La qualité mettra plusieurs années à redevenir acceptable.

Travaux d’infrastructure et de construction

De nombreux travaux d’infrastructure s’effectuent en relation avec les eaux souterraines. Dans la zone non saturée, des venues d’eau isolées peuvent être captées et pompées (tunnels, parkings…). Des travaux plus profonds (fondations, tunnels routiers ou ferroviaires, stations de métro…) peuvent se faire sous le niveau des nappes. Dans le cas d’atteinte temporaire (fondation), la pose de palplanches avec rabattement de la nappe se fait pendant la durée des travaux, alors que les ouvrages nécessitant un accès permanent sous le niveau de la nappe demandent des structures étanches permanentes (parois moulées). Les travaux sous le niveau de nappe recourent parfois à la congélation des terrains imbibés d’eau, ce qui évite un pompage de rabattement trop important. Les grandes structures étanches construites sous le niveau de la nappe peuvent dévier son écoulement naturel.

Production d’énergie et hydrogéologie

Énergies fossiles non conventionnelles (gaz de houille, gaz de schiste)

L’ouverture de la fracturation naturelle des couches est, en profondeur, généralement insuffisante pour permettre le passage du gaz entre les deux forages d’un doublet. C’est pourquoi les exploitants de ces gaz ont recours à la fracturation hydraulique, procédé peu respectueux de l’étanchéité des nappes et de l’environnement en général. La fracturation hydraulique accroît la perméabilité, mais pas seulement celle de la couche à exploiter. De plus, les procédés utilisent des adjuvants chimiques pour éviter le colmatage par précipitation. Ce procédé est donc déconseillé en présence d’aquifères exploités pour l’eau destinée à la consommation humaine, mais l’expérience nord-américaine montre que les adjuvants chimiques présentent un risque limité au court terme, alors que le risque de mise en communication de nappes de qualités chimiques différentes (par exemple douce et salée) engendre un impact permanent.

Des alternatives à la fracturation hydraulique sont à l’étude. L’injection d’anhydride carbonique pour mobiliser le méthane dans les fissures aurait l’avantage de produire du gaz combustible en éliminant du CO2 industriel.

Énergies renouvelables

Les dispositifs de production d’énergie géothermique peuvent constituer des aléas pour les nappes et ne sauraient être développés dans les périmètres de protection immédiate ou même rapprochée des captages d’eau destinée à la consommation humaine. En effet, les dispositifs géothermiques en circuit ouvert réinjectent dans les nappes des eaux aux caractéristiques physico-chimiques et microbiologiques modifiées : température plus basse, ou plus élevée (climatisation). Les systèmes fermés (sondes géothermiques) peuvent laisser fuir des fluides contenant des antigels.

— Jacques MUDRY

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrir

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Médias

Khettara, système traditionnel de collectage des eaux souterraines au Maroc - crédits : J. Mudry

Khettara, système traditionnel de collectage des eaux souterraines au Maroc

Vitesse d’infiltration de l’eau dans le sol - crédits : Encyclopædia Universalis France

Vitesse d’infiltration de l’eau dans le sol

Loi de Darcy - crédits : Encyclopædia Universalis France

Loi de Darcy

Autres références

  • CÉMENTATION ZONE DE

    • Écrit par
    • 396 mots

    Dans le schéma général de la circulation des eaux en terrain homogène, on peut distinguer trois zones superposées :

    au-dessus de la surface piézométrique, se trouve la zone d'oxydation, où l'eau, riche en O2 et en CO2, circule facilement et peut ainsi dissoudre les roches ;

    au-dessous...

  • EAUX MINÉRALES & THERMOMINÉRALES

    • Écrit par
    • 1 378 mots
    • 1 média

    Naturelles, les eaux minérales sont des eaux spécifiquement caractérisées par leur teneur en sels dissous, leur température et les gaz qu'elles contiennent. Du fait de leur composition, où interviennent encore des éléments en traces, les eaux minérales ont souvent une action bénéfique du type homéopathique...

  • GÉOCHIMIQUE PROSPECTION

    • Écrit par
    • 5 199 mots
    ...dans les formations éluviales ou de pente actuelles des auréoles résiduelles. Par opposition à celles-ci, les auréoles surimposées, ou « anomalies de fuite », proviennent de la diffusion des éléments chimiques dans les formations superficielles allochtones d'une minéralisation primaire sous-jacente.
  • GÉOTECHNIQUE

    • Écrit par
    • 5 299 mots
    • 4 médias
    ...mécaniques. Pour ces dernières, des sondages économiques destructifs avec enregistrement des paramètres de forage, puis des essais en forage (pressiomètre, pressiomètre autoforeur) ou même des essais in situ par fonçage ou battage depuis la surface (pénétromètre statique ou dynamique, scissomètre) permettent...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi