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HIRATA ATSUTANE (1776-1843)

Philologue japonais, né à Akita, dans l'extrême nord du pays. À vingt ans, Hirata Atsutane quitte la clan d'Akita pour faire à Edo des études de littérature confucéenne, de stratégie et de médecine. La lecture de Motoori Norinaga l'amène à l'étude des classiques japonais. Il entre alors à l'école de Motoori Haruniwa, fils et successeur de Norinaga, dont il se dira le disciple posthume. Il se dégage cependant assez vite de son influence, pour militer en faveur du retour à ce qu'il croit être le shintō primitif. En 1823, il présente ses œuvres à la cour de Kyōto et se rapproche de l'école Yoshida, bastion du shintō, à laquelle il s'efforce de faire partager ses idées, en enseignant aux prêtres son interprétation du shintō ancien. Dès les années 1830, il a fait de nombreux disciples dans toutes les provinces. Lui-même ne prendra jamais directement position contre le gouvernement des Tokugawa, mais ses appels à la vénération de l'empereur et ses attaques contre le confucianisme, idéologie officielle du pouvoir, font qu'en 1841 ses écrits sont interdits et qu'il est banni dans sa province jusqu'à sa mort.

Cherchant à généraliser et à tirer des conclusions positives des théories de Motoori, il étend ses recherches à la Chine, à l'Inde et même à l'Occident, pour y trouver des termes de comparaison. Mais contrairement à Motoori, qui s'en tient aux documents, il en force l'interprétation dans le sens de ses idées préconçues. Après sa disparition, ses disciples formeront un véritable réseau de militants actifs, et parfois fanatiques, qui joueront un rôle de tout premier plan dans le renversement des Tokugawa et la restauration de l'empereur. Le nouveau gouvernement leur confiera en 1868 le ministère des Cultes, ce qui leur permet d'imposer la séparation du shintō et du bouddhisme, tenu pour une doctrine étrangère en face du premier, religion nationale. Les excès commis par les agents du ministère, les destructions (en particulier de bâtiments et d'objets de culte bouddhiques), leur opposition aussi à l'autorisation du christianisme, mesure qui empêche la normalisation des rapports avec les puissances occidentales, aboutiront à une brutale volte-face du pouvoir. Écartés de toutes les fonctions officielles en 1872, ils apparaîtront du jour au lendemain comme les tenants d'un conservatisme rétrogade après avoir cru être le fer de lance de la rénovation. Les idées de Hirata Atsutane n'en connaîtront pas moins un retour en faveur à l'époque du militarisme impérialiste des années 1930 ; prises à la lettre, elles furent à l'origine, pour une bonne part, des erreurs d'appréciation et du caractère irréaliste de la politique des dirigeants japonais d'alors, et peuvent ainsi être considérées comme une des causes majeures de la catastrophe nationale de 1945. Cela est à souligner, car le shintō, tel qu'il est actuellement encore présenté au public occidental par les publications de nombreux auteurs, japonais ou autres, n'est le plus souvent qu'une nouvelle mouture d'interprétations qui, pour avoir fait la preuve de leur nocivité, n'ont pas même le mérite de l'authenticité historique. Les œuvres complètes de Hirata Atsutane ont été éditées à Tōkyō en 1911.

— René SIEFFERT

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

Classification

Pour citer cet article

René SIEFFERT. HIRATA ATSUTANE (1776-1843) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MOTOORI NORINAGA (1730-1801)

    • Écrit par René SIEFFERT
    • 682 mots

    Philologue et écrivain japonais, né et mort à Matsuzaka dans la province d'Ise. D'une famille de gros marchands de cotonnades, il perd à onze ans son père, à vingt-deux ans son beau-frère, à qui il succède à la tête des affaires de sa maison, mais il ne s'y intéresse guère. Aussi sa mère l'envoie-t-elle...

  • SHINTŌ

    • Écrit par René SIEFFERT
    • 6 546 mots
    • 4 médias
    ...Motoori ne voyait qu'une expression de la pensée japonaise à l'état pur, vierge encore de toute contamination bouddhique ou confucéenne, son disciple Hirata Atsutane (1776-1843) chercha la preuve que seul le shintō détient la vérité dont le bouddhisme a perverti la pureté originelle en la contaminant...

Voir aussi