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ILLYÈS GYULA (1902-1983)

Au cœur des drames de l'histoire

Auteur d'un journal de voyage, Oroszország (1934, Russie), où s'exprimait courageusement son intérêt sympathique pour l'expérience soviétique, et d'une Vie de Petőfi (1936), où le poète révolutionnaire était proposé en modèle à l'intelligentsia hongroise, Illyés poursuivit dès lors une carrière littéraire dont chaque manifestation prenait l'importance d'un acte politique (les traductions de son A francia költészet kincsesháza (1942, Trésor de la poésie française) furent accueillies comme une protestation contre l'impérialisme culturel des nazis) et, après avoir défendu, comme directeur de Magyar Csillag (1941-1944), l'héritage intellectuel et artistique de la grande revue occidentaliste Nyugat, il finit par descendre lui-même dans l'arène en devenant, lors de la Libération, député du parti paysan. Découragé cependant par la montée du jdanovisme, il abandonna la direction de la revue populiste Válasz (1946-1948) et se retira au bord du Balaton. Sa maison devint, avec le temps, un foyer accueillant pour ses amis, une sorte de salon de campagne où devaient être attirés notamment de nombreux poètes français, tels Paul Eluard, Eugène Guillevic, Pierre Emmanuel, et Illyés s'y consacra désormais à son œuvre écrite qu'il dota, entre 1952 et 1963, d'une importante dimension dramatique. Dans le cadre des grands conflits historiques, les personnages, destinés à illustrer le besoin de lier la cause de la révolution à celle du patriotisme – Ozorai példa (1965, L'Exemple d'Ozora) ; Fáklyaláng (1953, Flamme de torche) et, en 1956, Dózsa –, cédèrent la place, après 1956, à des héros comme Maximus Petronius du Favori (A kegyenc, 1963), présenté à Paris en 1965, dont les déchirements ont pour cause l'incompatibilité de la politique et de la morale.

Demeurer malgré tout présent sans défaillance à l'histoire, traduire les battements du cœur de la nation, en exprimer les élans révolutionnaires aussi bien que les crises de pessimisme, l'obstination dans la résistance et le désir sans cesse renaissant d'un ordre harmonieux, telles sont les tâches humanistes assignées aux recueils de vers. Dans Kézfogások (1956, Poignées de mains) ; Dőlt vitorla (1965, Voile penchée) ; Fekete és fehér (1968, Noir et Blanc), le rythme des saisons et la sérénité païenne du paysage amortissent l'effet cuisant des doutes et des angoisses, et les thèmes usés de la responsabilité du poète reprennent vigueur grâce à la tension extrême d'une pensée qui ne cesse de triompher de ses abîmes en les peuplant des images de la réalité.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Lille

Classification

Pour citer cet article

André KARATSON. ILLYÈS GYULA (1902-1983) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HONGRIE

    • Écrit par Jean BÉRENGER, Lorant CZIGANY, Universalis, Albert GYERGYAI, Pierre KENDE, Edith LHOMEL, Marie-Claude MAUREL, Fridrun RINNER
    • 32 134 mots
    • 19 médias
    ...intellectuels communistes qui, à l'instar de György Lukács (1885-1971), œuvrent à l'emprise communiste sur la vie culturelle. Les auteurs populistes, Gyula Illyés en tête (1902-1983), se groupent autour de la revue Válasz (1946-1949) et continuent à défendre l'idéologie populiste en vue de transformer...
  • POPULISTE HONGROISE LITTÉRATURE

    • Écrit par Véronique KLAUBER
    • 763 mots

    Les écrivains du mouvement populiste des années 1930 insistent sur le fait que la paysannerie est exclue de la nation. Ils se chargent donc de la représenter sur le terrain glissant de la politique et luttent pour des réformes agraires. Leurs références : Endre Ady et Dezsö Szabó (1879-1944)....

Voir aussi