Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NOUVEAU GERMAIN (1851-1920)

Pour Louis Aragon, Nouveau est « non un poète mineur, mais un grand poète ». « Avec délices, j'entends refleurir dans ses vers le chant grégorien », a dit de lui André Breton. Ces jugements magnifient ce poète singulier qui, par l'unité de sa vie et de son œuvre, témoigna de la possibilité d'un au-delà de la littérature et de l'art, renonça, durant trente ans à l'expression écrite, à son nom même pour prendre celui d'Humilis, vécut dans une obscurité volontaire, détaché à l'extrême, cas unique dans l'histoire des lettres européennes, si l'on excepte celui du romancier de langue allemande Robert Walser.

Une quête spirituelle ou un naufrage ?

Germain Nouveau naquit à Pourrières, petit village du Var. Il semble avoir eu du ressentiment envers sa mère, si l'on en croit le poème Dernier Madrigal. Orphelin très jeune, la seule affection qui lui resta fut celle de sa sœur Laurence. Après avoir fait ses études secondaires et envisagé une vocation religieuse, il monte à Paris, où il dissipe rapidement son petit héritage. Il mène alors une vie de bohème, fréquente les cercles du Parnasse, où il fait la connaissance de Charles Cros et de Mallarmé. Au cours de l'été 1874, au café Tabourey, il rencontre Arthur Rimbaud. Rimbaud a alors vingt et un ans, lui vingt-trois. C'est un homme vif, gai, de nature féminine, méridional. Tous deux se lient aussitôt d'amitié et partent pour Londres. Rimbaud a déjà écrit Une saison en enfer. Nouveau recopie de sa main certaines Illuminations. Influença-t-il Rimbaud ? Il semble que non, malgré le poème Poison perdu attribué indifféremment à l'un ou à l'autre. Cela reste une énigme. Après quelques mois de vie commune, Nouveau regagne la France. Les deux amis ne se reverront plus. Dans une lettre à Jean Richepin, il annonce son arrivée à Paris « avec quelques idées bien arrêtées et manières de voir la vie, de la sentir et de la peindre ; plus rien de macabre, de bizarre, d'étrange [...] mais le pur, le simple, le choisi ; aller toujours vers la plus grande lumière, qui est le soleil ».

Nouveau se lie avec Verlaine, publie ses premières œuvres sous le pseudonyme de Néouvielle. Il a un emploi fixe d'expéditionnaire au ministère de l'Instruction publique, collabore au Figaro, au Gaulois. En 1883, il part pour Beyrouth, d'où il rapportera les Sonnets du Liban. De retour à Paris, il s'éprend d'une jeune femme, Valentine Renault, qui lui inspirera des poèmes d'une violente sensualité, les Valentines. En 1886, il enseigne au lycée Janson-de-Sailly, quand une crise nerveuse le terrasse, due sans doute autant à l'abus d'alcool qu'à son exaltation religieuse. Il sera interné quelques mois à Bicêtre. Dès lors, il se désolidarisera de toute vie sociale, clochard à Paris, vagabond en Italie, en Espagne, pèlerin à Saint-Jacques-de-Compostelle, musicien et dessinateur ambulant. Il continue à griffonner des poèmes sur des carnets qu'on appellera plus tard « le calepin du mendiant ». On perd sa trace à Alger. Il envoie à Aden une lettre à Rimbaud – celui-ci est mort depuis deux ans – faisant part de son désir « d'ouvrir une modeste boutique de peintre-décorateur ». Sa lettre est signée : « Ton vieux copain d'antan bien cordial. » Elle sera appelée « la lettre fantôme ». Revenu en France, il mendie sous le porche de la cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence, où la légende veut que Cézanne, son ancien compagnon du salon de Nina de Villard, lui fit l'aumône. En 1911, à l'âge de soixante ans, il se fixe définitivement à Pourrières, « vieillard d'une infinie misère, sec comme un vieil Arabe », selon le témoignage d'un de ses contemporains. Il vit dans une masure, bougon, parlant peu, reçoit de l'hospice sa nourriture, suit les offices et observe tous les jeûnes de l'Église, bien que brouillé avec le curé qu'il traite d'« ancien[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Alain PETIT. NOUVEAU GERMAIN (1851-1920) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • RIMBAUD ARTHUR (1854-1891)

    • Écrit par Jean-Luc STEINMETZ
    • 5 063 mots
    • 1 média
    ...l'éditeur où on la retrouvera en 1901. En octobre 1873, la vie littéraire de Rimbaud est apparemment finie. Pourtant, rencontrant à Paris un jeune poète, Germain Nouveau, il convainc celui-là de le suivre. Un séjour en Angleterre n'apportera rien aux deux compagnons ; Nouveau part au bout de deux mois. On...